L’un des enseignements tirés de la turbulence du marché lors la pandémie de COVID peut se résumer ainsi : rester investi est une source de valeur. Comme le mois d’avril vient de nous le rappeler, passer à côté des meilleures journées de rendement car on est resté à l’écart des marchés financiers peut s’avérer très coûteux. Bien sûr, la réalité est plus complexe : on peut se permettre de rater les dix meilleurs jours si l’on évite également les dix plus mauvais. C’est pourquoi la gestion du risque est un élément essentiel de notre processus d’investissement.
On aurait également tort de croire que l’activité du marché est le reflet des fondamentaux, en particulier lorsque les dépenses publiques les ont artificiellement gonflés ces cinq dernières années. La crise du COVID aurait fait beaucoup plus de mal aux actifs financiers sans les plans de relance déployés par la précédente administration Trump : 10% du PIB versés en aides directes à l’économie en cinq semaines (soit 10% de l’année) de confinement.
La situation actuelle est comparable, avec une « grande et belle loi » (Big Beautiful Bill) de Trump qui risque de creuser encore davantage le déficit américain. Face à un tel environnement, les rendements des actifs financiers semblent de moins en moins guidés par les fondamentaux futurs et davantage par leur solidité actuelle. Après tout, pourquoi se tourner vers l’avenir alors que tout ce qui compte pour les marchés est l’état actuel de l’économie ?
Cette semaine, Simply put examine ce raccourcissement de l’horizon d’investissement des marchés et se demande s’ils s’appuient maintenant plutôt sur les indicateurs en temps réel que sur les prévisions.
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Un horizon de plus en plus court
Une manière simple de vérifier si l’horizon d’investissement des marchés s’est raccourci consiste à calculer la corrélation entre la croissance économique et la performance des actifs. La figure 1 utilise uniquement les données des États-Unis, aussi bien pour la croissance économique que pour les actifs financiers, et présente la performance des actions (S&P 500) et des obligations notées AAA, les rendements excédentaires des obligations notées BBB, ainsi que l’évolution des matières premières et du dollar sur différentes périodes, telles que la sombre décennie des années 70, la phase de désinflation qui a suivi, la grande crise financière et de ses suites, et les cinq dernières années depuis la crise COVID (2020-2025).
Dans chaque cas, nous comparons la corrélation en temps réel (croissance et performance sur la période de référence) ainsi que de façon décalée, afin de mesurer le caractère prédictif ou non des marchés financiers. Si l’on se concentre uniquement sur les actions, on constate que1 :
- D’une manière générale, la croissance future ou actuelle présente une corrélation plus élevée avec les rendements des actions que la croissance passée, ce qui souligne la nature globalement prédictive des marchés financiers
- Au cours des trois premières périodes, cette corrélation a eu tendance à augmenter. Elle est ainsi passée de 9% à 76% (!) pendant la crise de 2008. Néanmoins, au cours des années 2020-2025, elle a reculé à seulement 37% (un niveau inférieur aux périodes 1990-2007 et 2008-2019)
- De plus, la corrélation entre les rendements et la croissance future s’est effondrée à environ 15% – un niveau proche de celui de l’intervalle 1967-1989.
FIGURE 1. Corrélation entre les rendements des actifs et la croissance économique aux États-Unis2
Ainsi, non seulement les rendements des marchés se sont, semble-t-il, dissociés du principal indicateur des fondamentaux économiques (c’est-à-dire la croissance nominale) mais ils paraissent aussi avoir perdu tout intérêt pour les perspectives économiques futures. Ce phénomène s’observe également dans les autres catégories d’actifs sur la période 2020-2025. Pour les cinq catégories d’actifs, la valeur absolue de la corrélation entre la croissance passée et les rendements actuels est plus élevée que les autres valeurs.
En résumé, au cours de cette période, le marché semble avoir accordé moins d’attention à la croissance, en particulier à la croissance future.
La situation actuelle
Si le panorama économique immédiat nous préoccupe davantage que les perspectives, les indicateurs en temps réel peuvent nous aider à mieux comprendre la situation en cours. La figure 2 présente une image plus détaillée de l’évolution récente des indicateurs en temps réel de LOIM sur la croissance économique pour l’ensemble des économies que nous suivons.
Nos indicateurs transmettent un message plutôt clair :
- Avant le début de la guerre commerciale de Trump, l’économie mondiale était en phase de reprise nominale. Les baisses de taux appliquées par les banques centrales stimulaient la croissance, en particulier dans le secteur industriel
- Depuis le déclenchement de la guerre commerciale, nous avons clairement perçu les signes d’un ralentissement aux États-Unis. Notre indicateur en temps réel s’étant replié dans des proportions comparables à celui de la Fed d’Atlanta
- Ce ralentissement reste toutefois limité et semble même avoir récemment montré des signes de stabilisation.
Il est difficile de détecter ici les éléments annonciateurs d’une récession en gestation. Les déficits publics, mieux maîtrisés, restent favorables à la croissance économique, car ils limitent pour l’instant l’ampleur des ralentissements. C’est dans ce contexte que les actions ont rebondi dans l’ensemble en avril. Pour provoquer une baisse durable des marchés, il faudrait une détérioration considérable de la situation économique actuelle. Selon toute vraisemblance, ce serait surprenant, car si l’on se fie à la myopie récente des marchés, nous ne découvrirons ce scénario que lorsqu’il sera juste sous nos yeux.
Pour l’instant, tenons-nous-en à un message de modération : la croissance économique reste solide et, comme les marchés se concentrent sur cette situation à court terme, nous verrons bientôt comment les valorisations évoluent.
FIGURE 2. Indicateurs en temps réel de la croissance économique mondiale et pourcentage de données montrant une amélioration3
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Implications en matière d’investissement pour les investisseurs multi-actifs
Comme les marchés regardent avant tout les données en temps réel, la confiance a récemment rebondi. Elle reste cependant volatile et la situation économique manque de clarté, même si on n’observe pas encore de valorisation excessive. Dans ce contexte, nous avons récemment redonné de l’ampleur à notre exposition aux marchés, notre positionnement passant de défensif à simplement prudent.
En d’autres termes, Simply put, au cours de cette décennie, les marchés se sont jusqu’à présent montrés plutôt myopes. Cet état de fait pourrait persister tant que la croissance reste suffisante.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel4 montrent actuellement que :
- Le niveau de notre indicateur en temps réel de la croissance est resté stable, demeurant sous le seuil de 50% dans toutes les régions, à l’exception de la zone euro, où il est légèrement supérieur
- Notre indicateur d’inflation en temps réel est resté stable, la Chine étant la seule région en dessous du seuil de 50%
- Notre indicateur de politique monétaire a montré une légère amélioration aux États-Unis et en Chine, bien qu’il reste inférieur au seuil de 50% et demeure stable dans la zone euro.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : l’indicateur en temps réel de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).