L’une des idées fausses les plus répandues au début de l’année était que la nouvelle administration américaine agirait sans suivre de plan économique défini. Mais il est évident qu’il y en a un, et il est défendable, dans une certaine mesure, même s’il semble irréaliste à de nombreux observateurs du marché.
Le plan de Donald Trump est simple : restructurer la fiscalité américaine en vue de produire des changements durables et profonds. Il s’agit notamment de combler l’énorme déficit commercial, de relancer les secteurs industriels en difficulté et de normaliser le rôle des Etats-Unis dans l’économie mondiale.
La mise en œuvre de cette stratégie est claire : taxer les importations en appliquant une règle qui suggère que cette mesure de protection perdurera, obligeant ainsi les entreprises étrangères à développer des capacités de production aux Etats-Unis. Cette stratégie stimulera la croissance américaine, générant ainsi davantage de recettes fiscales et réduisant simultanément les doubles déficits du budget de l’Etat et de la balance commerciale.
Le plan est ambitieux. Quelles sont ses chances de succès en 2025 et jusqu’à la fin du mandat de Donald Trump ? Simply put fait appel à des outils quantitatifs pour tenter de répondre à cette question.
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Le plan du président sous la loupe
Cherchant à relever un défi classique de politique économique, le président Trump souhaite recourir aux taxes douanières pour induire des changements qu’il juge bénéfiques au sein de l’économie américaine. Ces changements sont simples et faciles à identifier :
- réduire l’impôt sur les sociétés de 6 points de pourcentage, en abaissant le taux d’imposition de 21% à 15% (Il avait été précédemment réduit de 35% à 21% lors de la première présidence de Donald Trump) ;
- financer cette réduction d’impôt de deux manières : par des recettes fiscales générées par les droits de douane à l’importation et par des économies générées par les coupes budgétaires recommandées par le Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE).
Sur le papier, les choses sont claires. Pour s’assurer que les marchés réagissent positivement et éviter un moment « Liz Truss », la Maison Blanche s’est d’abord concentrée sur la deuxième partie du projet : garantir les recettes fiscales et réduire les dépenses de l’Etat avant d’annoncer des réductions d’impôts. Pour que le plan fonctionne, toute amélioration de la situation budgétaire des Etats-Unis due aux activités du DOGE et des tarifs douaniers doit correspondre à la perte de revenus résultant de la réduction des impôts sur les bénéfices des entreprises.
Sur la base de ces hypothèses de travail, nous estimons que les recettes fiscales américaines s’élèveront à environ USD 340 milliards en 2025, en supposant que la croissance des Etats-Unis reste indifférente aux politiques de la Maison Blanche et qu’elle augmente de 5% en 2025. Si ce n’est pas le cas et que la croissance nominale est nulle, ces recettes diminueront d’environ USD 10 milliards. L’ordre de grandeur reste le même, puisque les droits de douane pourraient rapporter un peu plus de USD 300 milliards aux Etats-Unis.
Etant donné que la réduction de l’impôt sur les sociétés devrait coûter un peu plus de USD 900 milliards en 2025, il est important de déterminer le montant des économies que le DOGE doit réaliser pour éviter que le marché ne pousse les taux à long terme à la hausse. Ce chiffre est d’environ USD 500 milliards. Une chaîne n’est jamais plus solide que son maillon le plus faible, et ce maillon faible réside probablement dans la capacité du DOGE à réaliser les économies nécessaires. Un autre danger menace toutefois la Maison Blanche : la réaction des consommateurs et des entreprises américaines à la hausse des prix des importations.
GRAPHIQUE 1. Recettes estimées des Etats-Unis en 2025 provenant de l’impôt sur les sociétés et des droits de douane (milliards d’USD)1
Monsieur Trump, attention à la hausse des coûts d’importation
Contrairement à l’impôt sur le revenu, les taxes à l’importation différenciées par zone économique offrent aux entités assujetties de nombreuses possibilités de contourner ces taxes. Celles-ci vont du changement de fournisseurs (l’accord de libre-échange nord-américain ACEUM reste en vigueur, de sorte que tous les biens importés ne sont pas taxés) à la recherche de fournisseurs locaux en passant par la réduction des quantités achetées.
Le graphique 2 cherche à quantifier ces effets (à la fois concomitants et décalés). Si les possibilités d’ajustement à court terme sont limitées, la situation à plus long terme est bien différente. Les données permettent de tirer deux conclusions :
- De façon concomitante, une augmentation des prix à l’importation n’entraîne pas nécessairement une baisse de la valeur réelle des importations (le graphique 2 montre une baisse de 5%, qui reste limitée). Cela confirme l’argument selon lequel les droits de douane permettraient de percevoir environ USD 340 milliards cette année
- Mais avec un décalage, la situation est tout à fait différente. Les importations peuvent diminuer de 13% en moyenne en valeur réelle, ce qui érode les recettes provenant des droits de douane. Une telle baisse ramènerait les recettes fiscales à moins de USD 300 milliards l’année suivante.
Le graphique 2 montre qu’il reste de nombreuses inconnues à résoudre avant que les marchés financiers ne se laissent convaincre par la crédibilité du pari fiscal de Donald Trump. L’une d’entre elles tient à la réaction des importateurs face à l’augmentation des droits de douane. Si la croissance économique américaine se maintient et que le DOGE dégage les économies nécessaires, le plan est en bonne voie. Dans le cas contraire, le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans risque de flirter à nouveau avec les 4,5%.
GRAPHIQUE 2. Simulation de l’effet de la croissance des prix à l’importation sur la croissance des importations réelles2
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Implications en matière d’investissement pour les investisseurs multi-actifs
Bien que le marché ait repris confiance dernièrement, nos indicateurs continuent de signaler une prédominance des risques. Notre positionnement reste donc prudent, même si notre exposition au marché a augmenté parallèlement au sentiment du marché. La question fiscale est l’un des différents éléments susceptibles de peser durablement sur les marchés, et constitue un risque fondamental persistant.
En d’autres termes, Simply put, il faudra dissiper d’importantes incertitudes avant que les investisseurs ne puissent juger si le pari fiscal de Donald Trump sera gagnant.
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Indicateurs macro/en temps réel
Les dernières interprétations de nos indicateurs en temps réel propriétaires relatifs à la croissance mondiale et aux évolutions inattendues de l’inflation et de la politique monétaire mondiale permettent de suivre les tendances actuelles des facteurs macroéconomiques qui régissent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
• Notre indicateur de croissance a diminué aux Etats-Unis et dans la zone euro, principalement en raison de la détérioration des conditions commerciales – bien que 50% des données montrent encore une amélioration
• Nous avons observé une légère progression de notre indicateur d’inflation mondiale, sauf en Chine, où il a légèrement reculé
• Notre indicateur de politique monétaire a baissé en Chine en raison des données sur la production, ainsi que dans la zone euro, du fait des données sur l’emploi. Ces reculs ont été compensés par une remontée de l’indicateur américain.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : l’indicateur en temps réel de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).