Lorsque tout semble cher ou volatil, où les investisseurs peuvent-ils trouver le rendement et les sources de diversification ? C’est la question à laquelle tous les responsables de la construction de portefeuilles sont confrontés après un mois d’avril aussi mouvementé. Du côté des actions, après les baisses liées au « Jour de la libération » de Donald Trump, les valorisations ont retrouvé leurs plus hauts niveaux en termes de ratio cours/bénéfice (PER). Le ratio bénéfice/cours des actions américaines est quant à lui repassé à 4,2%, ce qui ne permet de compenser ni les liquidités en USD (4,3%) ni le rendement à maturité des obligations américaines à dix ans (4,3%). Le risque de duration est lui aussi est mal rémunéré, comme le montrent les chiffres précédents. Y a-t-il une lueur d’espoir ?
Une classe d’actifs rémunère encore le risque encouru par ses détenteurs : le haut rendement et, plus généralement, l’univers du crédit dans son ensemble, comme les crossovers ou les anges déchus. Avec des taux « all-in » d’environ 7,8%, les rendements rémunèrent non seulement les liquidités mais aussi le risque de taux d’intérêt associé : la duration des indices de titres à haut rendement est d’environ 6,5 ans, soit deux ans de moins qu’un emprunt du Trésor américain à dix ans. Comme nous l’avons déjà dit, la diversification précédemment offerte par les obligations au début de l’année dernière a fondu comme neige au soleil depuis les élections américaines. Le marché des actions, quant à lui, semble de nouveau avoir atteint des niveaux beaucoup trop chers.
Ce numéro de Simply put se demande si la solution réside (étonnamment) dans le crédit à haut rendement.
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Retour sur dix ans de performances
Avant toute analyse de la rentabilité attendue, l’examen des performances historiques peut nous aider à expliquer les performances plus récentes et peut-être même à nous préparer à l’avenir. La figure 1 montre la performance annualisée mobile de différentes classes d’actifs américaines : actions, obligations à haut rendement et emprunts du Trésor. La hiérarchie des primes de risque est respectée sur le long terme : les obligations traditionnelles affichent une surperformance d’environ 2% (rémunération du risque de duration), les obligations à haut rendement une surperformance de 4,5% et les actions une surperformance d’un peu plus de 5% en moyenne sur le long terme (après avoir cependant atteint 15% ces dernières années !). Bien que cette corrélation corresponde au principe suggéré par Markowitz, selon lequel un risque accru s’accompagne d’un rendement supérieur, notre analyse des fluctuations de ces rendements fait ressortir des réserves importantes :
- La corrélation n’est pas stable dans le temps. Entre 2005 et 2008, par exemple, les surperformances des trois classes d’actifs sur dix ans se sont avérées très similaires et n’ont pas rémunéré la prise de risque relative. Entre 2009 et 2012, le choc de la crise financière mondiale a été tel qu’il a maintenu cette relation d’ordre inverse pendant un long moment, portant même parfois les titres à haut rendement et les actions en territoire négatif.
- La corrélation tend au retour à la moyenne. Lorsque la corrélation entre le rendement et le risque est remise en question, elle tend au retour à la normale au cours des années suivantes. Pire encore, comme dans le phénomène physique « action-réaction », toute surperformance tend à engendrer une correction qui ramène les rendements à leurs moyennes à long terme. Le graphique montre clairement la surperformance des actions pendant la bulle technologique et leur retour à la moyenne au cours des années suivantes, durant trois années de performance négative. Depuis 2018, les actions américaines présentent une anomalie similaire, soulevant la question d’un éventuel retour à la moyenne. A noter cependant que les actions américaines ne sont jamais restées sur une surperformance aussi importante pendant aussi longtemps, ce qui souligne leur récente domination.
- Plus un actif est volatil, plus les écarts par rapport à la surperformance moyenne sont importants. Ainsi, les actions traversent systématiquement un plus grand nombre de cycles de surperformance et de sous-performance, tandis que ces écarts sont inférieurs pour les obligations à haut rendement et à fortiori pour les obligations souveraines (de duration moyenne).
FIGURE 1. Performance mobile 10 ans au-delà des taux des liquidités1
Et aujourd’hui ?
Bien que les rendements des actions semblent anormaux selon les normes historiques (à noter que ceux des obligations présentent une anomalie tout aussi frappante), l’analyse de leur corrélation avec le taux de portage au-delà des liquidités peut éclairer la situation actuelle et future. La figure 2 relie les taux de portage au-delà des liquidités et les performances des dix années suivantes, sur la même période que celle illustrée à la figure 1. Ce graphique montre clairement que le portage et la performance sont historiquement corrélés. La pente de la ligne de régression varie selon la classe d’actifs : les actions multiplient le portage (x1,27) tandis que le haut rendement tend à n’en conserver que la moitié. Le « pull-to-par » des obligations (effet de convergence vers la valeur nominale) plafonne l’effet de rendement par rapport aux actions. Cependant, cette différence de pentification n’est pas la considération la plus importante ici. Elle prouve également qu’un plus grand portage signifie un plus grand rendement à l’avenir, tandis qu’un moins grand portage annonce le contraire. Cela semble logique. Le portage est habituellement un indicateur inverse de la valorisation, à l’instar du ratio bénéfice/cours pour les actions (inverse du PER). La situation actuelle est la suivante :
- Avec un taux de portage au-delà des liquidités proche de zéro, le rendement attendu sur dix ans pour les actions américaines est de l’ordre de 1%.
- Du côté du haut rendement, la situation semble plus prometteuse. Au cours de la dernière décennie, les performances du haut rendement sont restées inférieures à leur moyenne à long terme, tandis qu’aujourd’hui le portage de la classe d’actifs semble attrayant par rapport aux actions.
Autrement dit, les actifs à haut rendement assortis d’un accès à l’effet de levier pourraient devenir un avantage à l’avenir. Cela dit, la classe d’actifs requiert une certaine sélectivité ou une forte diversification des positions, car le risque de défaillance doit être pris en compte dans l’évaluation du risque global de ces actifs.
Figure 2. Rendement 10 ans glissants en excès des taux cash vs. high yield spreads contre cash et earnings yield en excès des taux cash2
Implications en matière d’investissement pour les investisseurs multi-actifs
Depuis leur lancement, nos stratégies ont investi dans le crédit afin d’optimiser le rendement, le contrôle des risques et la diversification tout au long du cycle. La situation est la même aujourd’hui et nos modèles de risque nous poussent à maintenir une exposition significative à cette classe d’actifs par le biais de CDS (credit default swap) sur indices aux États-Unis et en Europe. Nos signaux de tendance placent la classe d’actifs en positionnement neutre, tandis que nos signaux macroéconomiques la surpondèrent légèrement. L’exposition au haut rendement semble donc toujours pertinente à ce stade du cycle.
En d’autres termes, Simply put, le haut rendement pourrait regagner de l’importance dans les portefeuilles au cours de la prochaine décennie, compte tenu du portage de cette classe d’actifs aux Etats-Unis.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
- Nos derniers indicateurs de croissance en temps réel ont reculé, notamment aux Etats-Unis et en Chine, en raison de différents facteurs. En Chine, les données relatives aux exportations se sont affaiblies, tandis qu’aux Etats-Unis les conditions monétaires se sont resserrées ces derniers jours.
- Notre indicateur d'inflation en temps réel est resté stable, avec néanmoins une légère baisse aux Etats-Unis.
- Notre indicateur de politique monétaire est également resté stable, sauf en Chine où il a grimpé en flèche en raison d’une augmentation des données relatives aux exportations.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : l’indicateur en temps réel de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).