Une année toute en surprises
Chaque année vient avec son lot de surprises qui ont des conséquences diverses pour les marchés financiers et les investisseurs. On pourrait être tenté, peut-être à tort, de considérer la guerre commerciale comme l’une des surprises les plus importantes de 2025. Même si les politiques économiques de Donald Trump font régulièrement les gros titres dans les médias, leurs répercussions restent difficiles à évaluer sur les marchés financiers ou dans les chiffres de croissance nominale.
La réaction initiale à l’élection de Trump a été de tirer la sonnette d’alarme inflationniste et de souligner les risques pesant sur la croissance. Au premier trimestre, Simply put a utilisé des séries de données à long terme pour étayer son estimation selon laquelle les tarifs douaniers à cette date pourraient provoquer une hausse temporaire de 1,5% de l’inflation aux États-Unis et réduire la croissance réelle de 0,9% sur l’année. Or, à ce jour, nous n’avons constaté aucune trace de ce ralentissement dans les données économiques, et encore moins sur les marchés financiers. Les investisseurs adeptes de l’investissement fondé sur le risque ont-ils été induits en erreur par une situation différente en réalité ? Rien de moins sûr pour le moment.
A ce stade, la vraie surprise a été l’effet minimal des droits de douane sur l’économie réelle et nominale, un fait que les marchés ont rapidement compris. Cette semaine, Simply put soulève la question de savoir si cette absence de conséquences économiques peut persister au second semestre.
En savoir plus : Les investisseurs sous-estiment-ils les risques fondamentaux ?
Tout est lié aux stocks
Comme évoqué précédemment, les stocks jouent un rôle crucial dans la saga des tarifs douaniers et ne doivent pas être ignorés. Ils jouent un double rôle.
- Les entreprises ont stratégiquement « reconstitué leurs stocks » avant la mise en œuvre des droits de douane et pendant la phase de négociation, qui était assortie d’un taux global de 10% (hors Chine).
- Cette croissance rapide des stocks pourrait affecter à la fois l’inflation et la croissance. En « important » une partie de la demande future, la reconstitution précipitée des stocks crée un choc de demande. Ce gonflement artificiel de la demande entraîne des ajustements des prix et, partant, des pressions inflationnistes (clin d’œil au Président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell).
La figure 1 montre la récente évolution des chiffres des stocks aux États-Unis par rapport à l’Europe. Elle est essentielle pour comprendre les conséquences de la politique de la Maison-Blanche. Quand les droits de douane ont été annoncés au premier trimestre, les entreprises européennes n’ont pas réagi à l’unisson. En revanche, les entreprises américaines ont rapidement compris qu’elles devraient bientôt payer plus pour les intrants et ont reconstitué leurs stocks, générant ainsi une croissance de la demande. Cette divergence de comportement apparaît clairement dans la figure 1 et devrait soulever des questions quant aux conséquences de ces périodes de réapprovisionnement artificielles. Après tout, en 2025, la croissance des stocks aux États-Unis est comparable à la celle qui a suivi la fin de la pandémie. Il est peu probable qu’elle soit durable et que la situation affecte une seule économie, mais la figure 1 doit venir perturber le sommeil de « Monsieur trop tard » Jerome Powell, car il pourrait bien être « Monsieur trop tôt ».
FIGURE 1. Variations des stocks aux États-Unis et dans la zone euro1
En savoir plus : Stratégies multi-actifs : résilience lors d’une reprise en forme de V
Le lien entre les stocks et l’inflation
La relation entre les stocks et l’inflation est presque aussi vieille que le monde. J. Kitchin2 a été parmi les premiers à observer que l’activité économique, l’inflation et les stocks étaient étroitement liés. La nature de leur relation forme des cycles relativement courts, qui durent en moyenne 40 mois (3 à 5 ans). Ces cycles diffèrent des cycles plus naturels de l’économie comme le cycle Juglar (cycle des affaires) ou le cycle de Kondratiev (cycle d’innovation) et sont basés sur l’hypothèse suivante : une forte demande entraîne une formation de stocks extraordinaire qui exerce une pression à la hausse sur les prix des intrants, générant de l’inflation. Lorsque les stocks deviennent excessifs, on assiste à un phénomène de déstockage qui ralentit la production et l’activité économique, ce qui entraîne une hausse modérée des prix. A titre d’illustration, la figure 2 montre comment les stocks et l’inflation évoluent conjointement depuis les années 1950.
FIGURE 2. Evolution des stocks par rapport à l’inflation sur 12 mois3
Cette figure montre clairement que les phases de reconstitution des stocks interviennent généralement dans un contexte inflationniste, comme dans les années 1970, 2006-2007 ou 2021, alors que les effondrements des stocks ont tendance à se produire pendant les périodes où l’inflation recule. En analysant la variation relative des stocks, comme illustré dans la figure 2 (la figure 1 présente la variation absolue), il apparaît qu’une augmentation des stocks de plus de 20% s’accompagne généralement d’une explosion de l’inflation.
Fort heureusement, ce n’est pas encore le cas à l’heure actuelle. La croissance des stocks se poursuit néanmoins à un rythme soutenu, et nous pouvons supposer qu’elle n’a pas eu lieu de manière uniforme dans tous les secteurs d’activité et étapes de production.
Quels stocks sont actuellement reconstitués ?
Etant donné qu’ils ont été annoncés de manière désordonnée, les droits de douane ont parfois affecté les produits pharmaceutiques, l’industrie automobile, ou certaines matières premières. Par conséquent, nous pouvons supposer que les augmentations de prix ne seront pas uniformes. Les pessimistes pourraient même affirmer que ces phénomènes de restockage, qui ne sont pas homogènes sur l’ensemble du territoire américain, mais spécifiques à certains secteurs, ne peuvent pas générer d’inflation, sachant que l’inflation est la hausse générale du niveau des prix et non de certains prix uniquement. Abstraction faite de ces objections, la figure 3 présente le taux de croissance des stocks par activité et type de produit au premier trimestre.
Comme indiqué précédemment, tous les produits ont été réapprovisionnés. Cependant, le restockage n’a pas été uniforme sur l’ensemble des produits. Les biens de consommation durables ont vu une reconstitution des stocks légèrement plus prononcée que les biens de consommation non durables. Toutefois, cette ségrégation fondée sur les produits ne semble pas produire de discrimination significative.
FIGURE 3. Taux de croissance des stocks par produit et type d’activité4
En cas de ségrégation par type d’activité, la conclusion est nettement différente : les ventes au détail ont ralenti la reconstitution de leurs stocks, le commerce de gros a légèrement dépassé sa norme, alors que le secteur manufacturier a effectué la plus grande partie du restockage. Ce sont donc principalement les secteurs en amont dans le processus de production qui ont reconstitué leurs stocks.
Nous pouvons donc conclure qu’étant donné que le restockage aux États-Unis a eu lieu dans les secteurs en amont et au début de la phase d’implémentation des droits de douane, l’inflation pourrait être localisée dans les étapes en amont du processus de production. Les chiffres du PIB du deuxième trimestre devraient nous permettre d’en apprendre davantage sur la dynamique des stocks en aval de la production et sur la possibilité qu’elle devienne une source d’inflation méritant l’attention de la Fed.
Implications en matière d’investissement pour les investisseurs multi-actifs
Cette analyse soulève la question de savoir si l’inflation aux États-Unis est bien derrière nous. Maintenir l’exposition à des actifs qui couvrent ce risque reste pertinent. Les tendances dans les matières premières restent positives, et nous encouragent à maintenir une exposition légèrement supérieure à cette classe d’actifs. Le risque inflationniste demeure important pour un univers d’investissement qui reste centré sur le dollar américain. Par ailleurs, alors que la guerre commerciale semble avoir été largement ignorée par les marchés mondiaux, notre modèle de risque en porte toujours les stigmates, suggérant que cette complaisance pourrait cacher des risques persistants. La diversification a rarement été aussi mal rémunérée qu’au cours des dernières années, mais elle a rarement paru aussi pertinente pour les investisseurs qu’aujourd’hui.
En d’autres termes, Simply put, les droits de douane n’ont pas encore eu d’effet inflationniste en raison du mécanisme complexe des stocks, mais cette situation pourrait changer dans les mois à venir.
Pour en savoir plus sur notre philosophie d’investissement multi-actifs fondée sur les risques, veuillez cliquer ici.
Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
- Depuis le début du mois, notre indicateur en temps réel de croissance a augmenté à l’échelle mondiale, en particulier grâce à l’amélioration des conditions monétaires aux États-Unis. En Chine, l’indicateur a reculé.
- Notre indicateur de l’inflation est resté inchangé cette semaine, avec une légère diminution dans la zone euro.
- Notre indicateur de politique monétaire pour les États-Unis compense celui de la zone euro. La détérioration de l’emploi aux États-Unis a entraîné une baisse de cet indicateur, tandis que la situation inverse dans la zone euro a débouché sur une hausse.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : les indicateurs en temps réel de LOIM rassemblent différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).