L’incertitude se profile et instaure une situation plutôt rare sur les marchés. Elle est monnaie courante dans notre quotidien d’investisseur, mais un risque élevé de fluctuation des cours est en revanche plus rare. Il est essentiel de faire la distinction entre risque et incertitude. La gestion efficace de cette dernière nécessite en effet des techniques différentes. Les économistes ont longuement analysé la différence entre le risque et l’incertitude. Il est plus facile de se protéger contre le risque, car il est associé à une orientation plus ou moins prévisible du marché. En revanche, l’incertitude entraîne une direction indéterminée, ce qui renforce le caractère aléatoire du marché.
Notre approche basée sur le risque accorde une place centrale aux critères de risque dans nos principes de construction de portefeuilles stratégique. Elle les intègre également aux mécanismes de rééquilibrage continu (que certains qualifieraient de gestion de portefeuilles « tactique »). La modélisation du risque repose sur des techniques bien connues, qui visent à optimiser ou à renforcer la diversification. La modélisation de l’incertitude présente, quant à elle, des défis différents. Si nous identifions et examinons les éventuelles préférences dans cet article, nous tenons également à souligner que l’incertitude exige à la fois de la flexibilité et une bonne capacité d’adaptation. Ces deux qualités font partie des principes de base de notre stratégie All Roads depuis son lancement.
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Nous appliquons nos solutions fondées sur les risques depuis plus de douze ans. L’évolution permanente de cet environnement est un défi constant, qui alimente notre détermination à surveiller et à évaluer nos stratégies et oriente nos recherches visant à mieux gérer cette agitation.
Ce trimestre, notre thème met l’incertitude en avant. La conclusion est claire : en l’état actuel des choses, il n’est sans doute pas judicieux de chercher les tendances mais il convient plutôt de s’en remettre au rendement intrinsèque des actifs, en l’absence de toute orientation claire des fluctuations de cours. L’heure est venue de réévaluer le poids de l’incertitude dans nos stratégies et debien comprendre les solutions potentielles. Bienvenue dans le quinzième numéro de notre publication trimestrielle Simply put, qui s’attache à repenser la gestion de portefeuilles basée sur le risque et à étudier les idées liées à l’incertitude.
L’incertitude n’est pas rare mais elle coïncide rarement avec le risque
L’incertitude est par nature difficile à mesurer. Il est ainsi souvent plus facile de la comprendre si l’on se concentre sur l’une de ses sources potentielles. Actuellement, l’incertitude politique occupe le devant de la scène et les actualités en provenance de la Maison-Blanche influencent de plus en plus nos activités d’investissement quotidiennes. Cela dit, la situation ne repose pas uniquement sur l’incertitude politique mais également sur l’incertitude économique. Celle-ci reflète une exacerbation des tensions géopolitiques et les retombées potentiellement négatives de la guerre commerciale sur la croissance. On pourrait facilement se perdre face à la multitude d’annonces concernant les droits de douane, qui finissent bien souvent par être annulées ou suspendues.
Heureusement, nous disposons d’un outil capable de mesurer et digérer cette incertitude : l’indice d’incertitude entourant la politique économique (policyuncertainty.com). Cet indice, construit à partir de la fréquence des articles de presse traitant de l’incertitude suscitée par la politique économique, offre une mesure quantifiable de l’incertitude politique. Plus le niveau de l’indice est élevé et plus l’incertitude politique est importante. C’est ce que montre la figure 1, en parallèle avec l’indice VIX qui, ici, mesure le risque de marché. Il indique en effet habituellement les fluctuations de la volatilité réalisée des actions (et des pertes).
GRAPHIQUE 1. Indice d’incertitude entourant la politique économique comparé à l’indice VIX et fréquence des niveaux élevés d’incertitude et de risque1
Comme nous l’avons dit, risque et incertitude ne sont pas synonymes. La distinction a été formulée pour la première fois par Frank Knight dans son livre
Risk, Uncertainty and Profit en 1921. En résumé, le risque survient dans des situations dont les résultats probables sont connus et dont la probabilité de réalisation peut être calculée. L’incertitude, en revanche, est associée à des situations dont les résultats ne sont pas connus, de sorte qu’il est impossible de leur attribuer une probabilité. Par exemple, la détérioration des conditions de croissance, qui se manifeste environ 40% du temps, fait diminuer les valorisations et amplifie la volatilité, est un risque connu (que nous pouvons utiliser pour guider notre allocation à long terme aux actifs risqués).
En revanche, les conséquences des politiques économiques de Donald Trump sont incertaines. Même si l’on comprend plus ou moins bien le programme et les priorités politiques du président américain, on ne connaît ni leur incidence globale ni la réaction qu’ils susciteront parmi les diverses parties concernées. Ils pourraient tout aussi bien renforcer ou affaiblir l’économie des Etats-Unis. De plus, les répercussions sur les bénéfices des entreprises, la solvabilité des multinationales et les fluctuations des taux sont extrêmement difficiles à évaluer. C’est l’essence même de l’incertitude. La figure 1 montre que le risque coïncide rarement avec l’incertitude : les deux indices ont affiché des niveaux élevés 30% à 40% du temps sur les 30 dernières années, mais de façon simultanée dans moins de 15% des cas. Cela peut sembler étonnant. Si l’incertitude diffère du risque, quelles sont les implications pour la rentabilité des actifs et les prises de décisions d’investissement ?
Le portage l’emporte sur les tendances, car la diversification doit être soutenue
En l’état actuel des choses, il convient d’examiner la performance historique des marchés et des stratégies dans un contexte d’incertitude. Notre hypothèse de base est la suivante : sachant que l’orientation des cours devient ambiguë, la rémunération perçue par les investisseurs pour la prise de risques devrait être moins importante. La réduction des expositions aux marchés est donc justifiée. En conséquence, les stratégies exploitant l’absence de fluctuations des cours, telles que les stratégies de portage, devraient surperformer celles qui bénéficient d’une orientation claire et durable du marché, telles que les stratégies tendancielles. La figure 2 présente le ratio de Sharpe de chaque classe d’actifs, en fonction de l’indice d’incertitude susmentionné.
Les points à retenir de cette analyse sont les suivants :
1.
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Dans un contexte d’incertitude accrue, les ratios de Sharpe tendent à diminuer dans tous les secteurs. Les ratios de Sharpe diminuent visiblement dans la plupart des classes d’actifs et des stratégies, obligations incluses. Une plus grande incertitude ne favorise pas les obligations, alors que cette classe d’actifs offre habituellement des rendements supérieurs à la normale en période de risques accrus.
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2.
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Incidence négative sur les actifs et les stratégies axés sur les tendances. Les classes d’actifs et les stratégies reposant sur des tendances de marché claires connaissent les plus grandes difficultés en période d’incertitude élevée. Les actions des marchés émergents (telles que les représente l’indice MSCI, qui ne réinvestit pas les dividendes et limite donc l’effet de portage), les matières premières (connues pour leurs tendances durables) et les stratégies « trend-following » explicites (qui suivent une tendance) affichent toutes un profil de rentabilité/risque plus faible en période d’incertitude.
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3.
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En revanche, les stratégies de portage semblent être les seules dont le ratio de Sharpe s’améliore.
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La conclusion de cette analyse semble claire : l’incertitude justifie de diminuer l’exposition aux marchés. A noter que les stratégies 50/50 (équipondérées) et de parité de risque présentent une détérioration du ratio de Sharpe en période d’incertitude. Ainsi, ce n’est pas nécessairement le mix d’actifs du portefeuille qui fait la différence, mais bien son risque global ou son exposition aux marchés.
Si les portefeuilles diversifiés ne sont pas censés générer des rendements négatifs dans ces conditions, un certain soutien est nécessaire pour améliorer leur profil de rendement. Les stratégies de portage englobent un large éventail de stratégies systématiques qui prospèrent en période d’incertitude. Elles exploitent pour cela l’absence de tendances claires dans les cours afin de se concentrer sur les rendements du marché. C’est dans ce domaine que nous concentrons actuellement nos recherches. Nous sommes en effet conscients que la situation actuelle appelle à maximiser le potentiel des stratégies de portage. Alors que l’incertitude se profile, exploiter le portage n’est pas seulement judicieux pour des raisons tactiques. Aider les portefeuilles à aborder cette zone de turbulences en fait un élément de base indispensable.
GRAPHIQUE 2. Ratio de Sharpe par classe d’actifs, allocations au sein des portefeuilles et stratégies systématiques2
En d’autres termes, Simply put, incertitude et risque sont différents. La première justifie de réduire l’exposition aux marchés dans les portefeuilles et de se concentrer sur le portage.
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