Steve Sedgwick, animateur de Squawk Box Europe sur CNBC et voix influente pour les observateurs du marché, a récemment invité les téléspectateurs à écouter un discours de Ronald Reagan, ancien président des Etats-Unis. Lors de ce discours prononcé en 1985 concernant les négociations commerciales entre les Etats-Unis et le Canada et leurs barrières tarifaires, M. Reagan a annoncé à ses compatriotes que l’emploi manufacturier s’était amélioré depuis que les Etats-Unis avaient décidé d’abaisser leurs droits de douane.
Républicain dans l’âme et portant un programme globalement conforme à ces principes, M. Reagan s’est trouvé confronté aux conséquences d’une Réserve fédérale américaine (Fed) campée sur ses positions pour mettre fin à l’inflation galopante des années 1970, qui avait plongé l’économie américaine dans une double récession. Il a tenu bon, encourageant le commerce avec les partenaires des Etats-Unis tout en négociant les accords du Plaza conçus pour déprécier le dollar américain.
Les similitudes avec la situation actuelle sont frappantes, qu’il s’agisse du déficit commercial des Etats-Unis, des signes de ralentissement de l’économie du pays ou encore de la fermeté du billet vert. Le nouveau gouvernement Trump a cependant fait un choix radicalement différent, en optant pour le protectionnisme plutôt que pour le libéralisme commercial. Ronald Reagan avait-il raison de dire que l’emploi industriel a bénéficié de la baisse des droits de douane aux Etats-Unis ? Pour le savoir, ce numéro de Simply put examine les données historiques.
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Emploi dans le secteur manufacturier : de la hausse à la baisse
Forts d’une tradition historique de la statistique, les Etats-Unis disposent d’une longue série économique annuelle, notamment en ce qui concerne l’emploi. La figure 1 montre l’évolution du nombre de personnes employées dans le secteur manufacturier américain depuis 1900. Chaque point représente une année. Si l’emploi manufacturier est passé de 6 millions de personnes à un peu moins de 13 millions de personnes depuis cette époque, deux périodes se distinguent :
- 1900-1980, période durant laquelle l’emploi manufacturier a atteint 19 millions de personnes, sur une population totale qui est passée de 76 millions à 220 millions d’habitants. Ainsi, la population active du secteur manufacturier a augmenté de 216% au cours de cette période, contre 190% pour la population entière du pays. La première catégorie a donc augmenté plus rapidement que la deuxième.
- 1981-2025, période durant laquelle l’emploi manufacturier a diminué, passant de 19 millions à 13 millions d’emplois, tandis que la population totale augmentait d’environ 109 millions de personnes. Au cours de cette période, le secteur manufacturier a donc enregistré un net recul, tant en termes absolus qu’en termes relatifs.
Il est sans doute exagéré d’imputer au libre-échange cette rupture dans la dynamique de l’emploi industriel : les Etats-Unis n’ont pas modifié leurs droits de douane de manière significative depuis le début des années 1950. Qu’en est-il de la période antérieure ? A-t-on observé un lien entre les fluctuations des droits de douane et l’emploi dans le secteur manufacturier ?
FIGURE 1. Évolution de l’emploi dans le secteur manufacturier des Etats-Unis depuis 1900, en milliers, et récessions américaines1
Le libre-échange n’est pas l’ennemi de l’emploi manufacturier
Il est toujours plus facile de rejeter une intuition économique que de la prouver. Un moyen simple de vérifier si la hausse des droits de douane protège et stimule l’emploi dans le secteur manufacturier consiste à représenter l’emploi en fonction des taux des droits de douane américains. C’est ce que montre la figure 2, qui compare les valeurs absolues de l’emploi et les droits de douane (à gauche) avec l’emploi manufacturier en tant que ratio de la population américaine (à droite). On constate que, si la population augmente et qu’une fraction constante trouve un emploi dans le secteur manufacturier, le nombre d’emplois augmente simplement en raison de la croissance démographique. Ces graphiques font également la différence entre les deux périodes susmentionnées : 1900-1980 et 1981-2024. La conclusion à tirer de ces graphiques est claire :
- L’emploi dans le secteur manufacturier des Etats-Unis a toujours été plus faible lorsque les droits de douane sont élevés, en particulier pendant la période 1900-1980.
- Cette conclusion vaut également pour cette sous-période, tant en termes absolus qu’en ratio de la population totale.
FIGURE 2. Emploi dans le secteur manufacturier des Etats-Unis par rapport au taux moyen des droits de douane américains2
La question suivante est probablement celle qui préoccupait Ronald Reagan en 1985 : pourquoi l’emploi manufacturier a-t-il cessé de croître aux Etats-Unis depuis 1980 ? Si les droits de douane ne semblent pas expliquer ce phénomène, quels sont les facteurs à prendre en compte ? Il s’agit probablement de l’industrialisation du Japon puis de la Chine, mais il convient de souligner que celle-ci a également facilité l’émergence d’une société de services aux Etats-Unis, ainsi qu’une hausse du pouvoir d’achat du ménage américain moyen. Si les droits de douane ne sont pas responsables de la détérioration des emplois manufacturiers, leur hausse peut néanmoins avoir des conséquences inattendues : c’est l’un des dangers auxquels nous sommes confrontés dans la période de transition industrielle qui s’annonce.
Implications en matière d’investissement pour les investisseurs multi-actifs
La période d’incertitude économique qui s’annonce influencera les marchés financiers, notamment en ce qui concerne l’évaluation des actifs cycliques. Dans ce contexte, la diversification des expositions aux marchés nous semble essentielle au sein des portefeuilles. Dans notre stratégie All Roads, une exposition de 55% aux actifs défensifs (principalement les obligations et la volatilité), ainsi que nos overlays, constituent une première ligne de défense efficace qui nous permet de rester investis sur des marchés actuellement turbulents.
En d’autres termes, Simply Put, l’essor du libre-échange ne semble pas coïncider avec une détérioration de l’emploi dans le secteur manufacturier, cette dégradation étant probablement due à d’autres facteurs.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
- Avec le récent affaiblissement des données économiques, nos indicateurs de croissance en temps réel indiquent actuellement que 46% des données s’améliorent (à noter que ce chiffre était largement supérieur à 50% en décembre).
- Notre indicateur d’inflation montre que les pressions s’amplifient dans la zone euro, qu’elles restent stables aux Etats-Unis et qu’elles diminuent en Chine.
- Notre indicateur de la politique monétaire au niveau mondial reflète une baisse retenant l’attention dans la zone euro cette semaine, qui pourrait ouvrir la voie à une politique de la Banque centrale européenne (BCE) plus accommodante que prévu dans les mois à venir.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : les indicateurs en temps réel de LOIM rassemblent différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).