La course effrénée à la domination de l’intelligence artificielle (IA) se fait sentir dans le secteur financier, parmi les entreprises, sur la scène politique et dans la sphère sociale, mais aussi dans les racks de serveurs qui font avancer la technologie.
A mesure que l’IA s’intègre dans les activités des secteurs public et privé, une concurrence acharnée pousse les grands modèles de langage (LLM) à consommer de plus en plus de données, d’énergie et d’eau. En effet, les serveurs d’IA ont besoin de cet élément naturel, par le biais du refroidissement liquide, pour dissiper la chaleur générée par une puissance de calcul toujours plus grande.
La chaleur étant un obstacle physique à la progression de l’IA, les solutions de refroidissement liquide sont en passe de devenir une composante indispensable de la chaîne d’approvisionnement afin d’augmenter la performance des méthodes traditionnelles de refroidissement par air, voire de les remplacer. Ce marché est en plein essor et, sachant que les grands opérateurs historiques bénéficient de barrières à l’entrée élevées, il offre selon nous des opportunités d’investissement attractives.
L’IA sera déterminante en matière d’avantage stratégique et d’autonomie future des Etats
Dans un monde où la digitalisation s’accélère, l’IA jouera un rôle fondamental dans la souveraineté nationale, la sécurité et la productivité économique des Etats.
Qu’il s’agisse de l’analyse prédictive permettant d’améliorer les transports, la distribution d’énergie, l’urbanisme et les systèmes de défense, ou encore du diagnostic optimisé, de l’allocation des ressources ou de la personnalisation des services de santé et d’éducation, l’IA trouve des applications dans toute la sphère publique.
Dans le secteur privé, un déploiement efficace de l’IA peut accroître la productivité, stimuler la création de marchés, améliorer le contrôle des données et réduire les vulnérabilités au sein de la chaîne d’approvisionnement.
Compte tenu de l’importance croissante de l’IA (au-delà de la nécessité d’adapter les grands modèles de langage à telle ou telle culture, sachant que la plupart d’entre eux sont « entraînés » à l’aide de données provenant des pays occidentaux), les gouvernements souhaitent développer leurs propres capacités nationales en la matière. Toutefois, la plupart d’entre eux n’ayant pas les ressources nécessaires, ils devront adopter et adapter des écosystèmes mis au point ailleurs. Les pays vendant leurs technologies d’IA à d’autres pourraient donc se tailler une part des nouveaux marchés, tout en renforçant leur influence géopolitique.
Google et Microsoft ayant commencé à déployer des agents d’IA, la demande en IA semble vouée à augmenter
Seuls deux pays en lice dans la course à la suprématie de l’IA : les Etats-Unis et la Chine
Les Etats-Unis et la Chine ont une véritable longueur d’avance dans le développement et le déploiement des technologies et services d’IA. Les autres pays étant en queue de peloton ou encore dans les starting-blocks, il est probable que les superpuissances parviennent à la domination mondiale de l’IA grâce à leurs systèmes sophistiqués, selon notre équipe Asia High Conviction Equity.
Les Etats-Unis font tout pour garder le contrôle du matériel indispensable, notamment des puces haute puissance nécessaires à toute inférence complexe, c’est-à-dire l’étape d’exécution du processus, au cours de laquelle un modèle d’IA entraîné applique ses connaissances à la tâche concernée. Reste à voir si la Chine peut développer ses propres jeux de puces d’IA de nouvelle génération, mais elle surpasse actuellement les Etats-Unis en matière d’intégration de l’IA dans la vie quotidienne, par exemple dans les domaines de l’automobile, du commerce électronique, des jeux vidéo et de la livraison de repas.
Compte tenu des nombreuses applications de l’IA dans divers secteurs, la croissance de la demande devrait être à la fois structurelle et importante, stimulant ainsi celle des centres de données. Bank of America1 prévoit un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 13% pour les dépenses totales des centres de données consacrées aux serveurs, aux infrastructures et à l’ingénierie entre 2024 et 20282.
Cependant, compte tenu de l’engouement du marché et des attentes considérables suscitées par la technologie, le déploiement de l’IA dans un but d’efficacité n’en est qu’à ses débuts. Google et Microsoft1 ayant commencé à déployer des agents d’IA (c’est-à-dire des entités de niveau « travailleur du savoir » capables d’apprendre et d’exécuter des tâches de façon autonome, en l’absence de règles prescrites), la demande en IA semble vouée à augmenter, les entreprises cherchant sans cesse à améliorer leur productivité.
Eau et électricité : une combinaison finalement judicieuse
Les serveurs d’IA génèrent déjà cinq fois plus de chaleur que les serveurs traditionnels et nécessitent dix fois plus de dispositifs de refroidissement par mètre carré. Les algorithmes d’IA sont de plus en plus efficients, mais les modèles ne cessent de monter en puissance afin de gérer des tâches de plus en plus complexes. Et avec une puissance de calcul toujours plus grande, les serveurs devront trouver le moyen de rester au frais.
La chaleur étant un obstacle majeur à la progression de l’IA, il est temps de repenser le postulat selon lequel l’eau et l’électricité ne font pas bon ménage. La densité des racks de serveurs augmente en parallèle avec la puissance de calcul, de sorte qu’un refroidissement efficace est désormais indispensable pour garantir une performance stable. Toutefois, les dispositifs traditionnels de refroidissement par air ne suffisent plus à dissiper la chaleur émise par la nouvelle génération de processeurs graphiques, tels que la puce B200 de Nvidia1.
La chaleur étant un obstacle majeur à la progression de l’IA, il est temps de repenser le postulat selon lequel l’eau et l’électricité ne font pas bon ménage
L’eau est 23,5 fois plus efficace que l’air pour le transfert de chaleur et offre une capacité thermique presque 3’500 fois plus importante, ce qui fait d’elle un moyen de refroidissement beaucoup plus performant
3. Pour cette raison, la technologie de refroidissement liquide est susceptible de devenir la solution privilégiée dans la quête d’une IA toujours plus puissante.
GRAPHIQUE 1. La température monte : principaux indicateurs expliquant l’essor du refroidissement liquide4
Les serveurs d’IA génèrent 5 fois plus de chaleur et nécessitent 10 fois plus de dispositifs de refroidissement.
L’eau est 23,5 fois plus efficace que l’air pour le transfert de chaleur...
… et offre une capacité thermique 3’500 fois plus importante.
Les prévisions tablent sur un TCAC de 24% pour le marché du refroidissement liquide...
… avec un taux de pénétration de 72% d’ici 2026.
La croissance du marché du refroidissement liquide dépassera celle des centres de données
Compte tenu des besoins de refroidissement accrus de racks de serveurs de plus en plus denses, Bank of America1 prévoit un TCAC de 24% pour le marché, soit près du double de la hausse des dépenses totales en infrastructures de centres de données1. Il nous semble donc probable que le marché du refroidissement liquide soit l’un des plus grands bénéficiaires de ces investissements supplémentaires.
Des fuites de liquide ont initialement freiné le développement des puces Blackwell de nouvelle génération chez Nvidia1, mais l’optimisation des systèmes de détection des fuites et une meilleure conception des composantes de refroidissement ont largement résolu le problème. Dans ces conditions, les solutions liquides sont de plus en plus utilisées pour répondre aux besoins de refroidissement haute performance. Goldman Sachs estime que le taux de pénétration des systèmes de refroidissement liquide pour les serveurs d’entraînement de l’IA atteindra 54% en 2025 et 72% en 20265.
GRAPHIQUE 2. Les systèmes de refroidissement liquide devraient pénétrer le marché des serveurs d’entraînement de l’IA6
Les grands opérateurs historiques en position de force
Le refroidissement liquide est plus complexe et nécessite une infrastructure très différente de celle du refroidissement par air. Notamment, sa chaîne d’approvisionnement est longue et sophistiquée. Le refroidissement devenant nécessaire à la performance, les fabricants de semi-conducteurs, par exemple Nvidia, AMD et Intel1, mettent en place leur propre architecture au niveau des racks. De grandes entreprises technologiques telles que Microsoft et Meta1 ont également présenté des modèles de référence. Selon nous, les grands opérateurs historiques du sous-secteur du refroidissement seront les mieux placés pour profiter de cette tendance, grâce aux partenariats existants qui leur permettront de collaborer avec ces entreprises pour concevoir de nouvelles solutions de refroidissement au niveau des racks.
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L’eau va élargir et redéfinir le marché du refroidissement
Le refroidissement liquide est essentiel à la progression d’applications pouvant rapidement être déployées à plus grande échelle, telles que les solutions de cloud computing de Google, Meta et Microsoft1. La technologie permettra également d’améliorer les performances d’applications nécessitant d’importantes ressources, telles que le minage de cryptomonnaies, et facilitera l’intégration de systèmes d’IA dans des environnements compacts où le refroidissement par air ne suffirait pas à garantir une performance stable.
Le refroidissement « direct-to-chip » (littéralement « direct sur puce »), dans lequel l’eau circule à travers des plaques de refroidissement fixées directement sur le microprocesseur, est non seulement plus performant mais aussi beaucoup plus économe en énergie que le refroidissement par air. Cette différence est d’une grande importance, car 30% à 40% de l’énergie consommée par un centre de données sont généralement consacrés au refroidissement7. La commercialisation n’est pas d’actualité, mais les systèmes de refroidissement du futur pourraient reposer sur une immersion complète des processeurs graphiques dans un liquide, ce qui serait une solution encore plus efficace.
Opportunités d’investissement : perspectives positives à moyen terme
Nous pensons que la concurrence va s’intensifier dans le domaine du refroidissement liquide au cours des trois à cinq prochaines années. Sur le marché de certains composants clés, tels que les unités de commande pour les systèmes de refroidissement liquide, les acteurs dominants conserveront leur avantage grâce aux fortes barrières à l’entrée dont ils bénéficient.
Dans les cas pratiques ci-dessous, nous présentons deux entreprises illustrant selon nous les opportunités qui s’offrent aux investisseurs en actions.
Cette entreprise américaine spécialisée dans les infrastructures digitales est le principal fournisseur de systèmes d’alimentation et de gestion thermique auprès des centres de données, qui représentent environ 75% de son chiffre d’affaires8. La direction envisage le refroidissement liquide comme un complément essentiel au refroidissement par air et offre la possibilité de combiner ces deux services, dans un contexte d’utilisation accrue de racks à forte densité.
Selon Vertiv, la demande en refroidissement liquide s’est accélérée depuis 2024. A l’horizon 2028, le marché devrait croître trois fois plus vite que celui du refroidissement par air9, soutenant ainsi les ventes d’équipements tels que les condenseurs, les refroidisseurs et les collecteurs de liquide pour racks et rangées.
La gestion thermique est une composante essentielle de l’activité de Vertiv. A l’heure actuelle, l’entreprise tire environ 30% de son chiffre d’affaires total des équipements spécialisés et 22% des services de projet et de cycle de vie fournis aux clients, notamment pour la gestion thermique7.
Selon notre équipe Planetary Transition Equity, l’expertise de l’entreprise, la diversité de son portefeuille et sa taille sont pour elle autant de possibilités de bénéficier de la forte croissance attendue sur le marché du refroidissement liquide dans les années à venir.
Delta Electronics, entreprise couverte par notre équipe Asia High Conviction Equity, est l’un des principaux fournisseurs de solutions d’alimentation et de refroidissement liquide des serveurs auprès des centres de données et de clients œuvrant dans l’électronique grand public, l’automatisation industrielle et les véhicules électriques. Son expertise en matière d’alimentation et de refroidissement lui confère selon nous une position dominante dans la chaîne d’approvisionnement de l’IA.
Fondée en 1971, cette entreprise taïwanaise est un acteur de taille et bien diversifié dans le sous-secteur du refroidissement. Delta estime que les systèmes de refroidissement liquide seront un moteur de croissance clé au cours des trois à cinq prochaines années, la croissance exponentielle des centres de données d’IA offrant à la fois des volumes significatifs et des marges élevées.
La gamme exhaustive de cette entreprise dans le domaine du refroidissement liquide inclut des unités de distribution de liquide de refroidissement, des plaques de refroidissement et des ventilateurs grand format. Ses partenariats avec les principaux hyperscalers américains lui permettent de participer à des projets d’élaboration de solutions d’alimentation et de gestion thermique intégrées dès la conception, qui pourraient servir à la prochaine génération de systèmes d’IA.
Eviter la surchauffe dans la course à l’IA
Alors que la demande en puissance de calcul par IA s’intensifie, les méthodes traditionnelles de refroidissement des serveurs sont aujourd’hui dépassées et les solutions de refroidissement liquide sophistiquées deviennent indispensables, générant ainsi une forte croissance dans ce segment de la chaîne d’approvisionnement des centres de données. Toutefois, la complexité inhérente à la mise en œuvre de ces systèmes crée d’importantes barrières à l’entrée, qui confèrent un avantage indéniable aux grands opérateurs d’infrastructures digitales bien établis, dont les solutions sont éprouvées.
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