L’incidence croissante des droits de douane sur les Etats-Unis s’est précisée au troisième trimestre, en particulier s’agissant de l’économie nominale. Le sort du pays n’est pas celui de l’économie mondiale (et la hausse de l’inflation en Europe n’est pas inquiétante pour l’instant), mais force est de reconnaître l’importance des Etats-Unis pour les marchés et pour le monde entier.
Bien que les fluctuations des prix puissent différer d’un pays à l’autre, il est rare qu’un ralentissement enregistré dans l’une des principales zones économiques ne freine pas le reste du monde : les prix s’entendent au niveau national, tandis que la croissance s’inscrit dans une optique internationale et se reflète dans le commerce mondial. Les prix peuvent être mesurés assez rapidement, ce qui n’est le cas ni pour la croissance du produit intérieur brut ni pour le commerce mondial. Ces indicateurs ne sont mesurés de façon adéquate qu’au bout d’un laps de temps significatif, nous obligeant à recourir à des données d’enquête pour établir nos évaluations préliminaires.
Cette semaine, Simply Put s’interroge sur ce que ces indicateurs « avancés » nous révèlent sur la santé du commerce mondial. Bien que ces données aient récemment été remises en question, elles offrent probablement des informations utiles pour nous préparer au reste de l’année.
Jusqu’ici tout va bien
Les indicateurs du cycle du commerce mondial étant peu nombreux, les séries les plus fréquemment utilisées à cet effet sont sans doute celles du CPB (Centraal Planbureau). Le CPB est un institut de recherche néerlandais indépendant produisant le « CPB World Trade Monitor », une source de données faisant autorité pour les statistiques relatives au commerce mondial. Cet indice, qui représente environ 85 pays et 95% du commerce mondial, fournit des mises à jour mensuelles mesurant les fluctuations des volumes et des prix en la matière. A l’heure actuelle, les données dont nous disposons s’arrêtent en juin 2025.
Le commerce mondial s’est contracté de 1,6% au deuxième trimestre, mais pour l’instant nous ne nous inquiétons pas outre mesure, compte tenu de la croissance de 3,2% enregistrée au premier trimestre. Il devrait rester en expansion sur l’ensemble de l’année 2025, comme l’illustre la figure 1. En termes de volume, la croissance observée au milieu de l’année correspond globalement à la progression annuelle de 2023 et 2024 et n’a rien à voir avec les contractions du commerce enregistrées en 2015 (ralentissement de la Chine et crise pétrolière), en 2018 (premiers droits de douane américains) et en 2022 (ralentissement mondial dû aux hausses de taux des banques centrales). Devrions-nous donc cesser de nous inquiéter des répercussions de la guerre commerciale sur le commerce mondial ?
GRAPHIQUE 1. Croissance annuelle des volumes du commerce mondial1
A quoi faut-il s’attendre ?
Le défi est indéniablement lié à la nature prospective des marchés financiers. Il ne s’agit pas simplement de déterminer si les données statistiques rétrospectives sont favorables, mais de savoir si la situation est susceptible de se détériorer au troisième trimestre.
Pour ce faire, nous pouvons analyser des données à plus haute fréquence... mais pas n’importe lesquelles. L’évolution des enquêtes, telles que l’indice manufacturier ISM ou la création d’emplois aux Etats-Unis, n’est influencée par les fluctuations du cycle commercial mondial que de façon indirecte. Chaque repli des échanges s’accompagne d’un ralentissement de la demande mondiale, ce qui entraîne alors une détérioration des principaux agrégats positivement corrélés à la croissance. Toutefois, le lien de causalité est inverse : lorsque le PIB ralentit, le commerce mondial fait de même.
Une autre approche consiste à observer les petits pays du G10 : intrinsèquement plus « ouverts » que les grands, ils souffrent plus facilement de l’affaiblissement du commerce mondial. En conséquence, il peut être utile d’analyser l’évolution relative des données d’enquête dans les pays qui sont ouverts au commerce mondial et dans ceux qui le sont moins. La figure 2 illustre la trajectoire relative de ces pays du point de vue de nos indicateurs en temps réel. Les pays « ouverts » sont la Suisse, la Suède, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et le Canada. Les pays moins exposés au commerce incluent ceux de la zone euro, les Etats-Unis, la Chine et le Japon.
Lorsque les petits pays sont en difficulté
La figure 2 présente cette trajectoire de croissance relative en temps réel, par rapport à la croissance réelle du commerce mondial. Le graphique montre clairement que, lorsque les pays « ouverts » connaissent de plus grandes difficultés que les pays « fermés », la croissance du commerce mondial est généralement négative. L’année 2015 illustre parfaitement cette situation. L’année 2020 est moins représentative, mais le ralentissement du commerce reflétait alors un phénomène affectant toutes les économies du monde. En 2018, il est plus question de ralentissement au niveau mondial (surtout aux Etats-Unis) que de repli du commerce. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une période de faiblesse similaire et nous pouvons formuler deux observations :
- Premièrement, cette phase de faiblesse est semblable à celle de 2018, mais moins prononcée que celle de 2015. Pour cette raison, un ralentissement du commerce mondial est une possibilité, mais son ampleur reste limitée
- Deuxièmement, ce ralentissement n’a rien de nouveau : il découle en partie de la détérioration de la croissance mondiale née du choc de taux d’intérêt de 2022 (dont nous avons déjà parlé dans Simply put). Cet aspect a eu des conséquences plus lourdes dans les économies ouvertes que dans les économies fermées.
La conclusion est donc ambiguë. Certes, les petites économies ouvertes affichent un dynamisme économique inférieur à celui des économies plus grandes et plus intégrées. Cependant, ce phénomène n’est pas inédit dans le contexte économique mondial et la guerre commerciale pourrait simplement y contribuer sans pour autant déclencher de récession mondiale (selon les données disponibles à ce jour).
GRAPHIQUE 2. Ecart en temps réel entre les économies ouvertes/fermées par rapport à la croissance réelle du commerce mondial2
Implications en matière d’investissement pour les investisseurs multi-actifs
Nous voyons toujours l’année 2025 comme suit : les marchés financiers se sont redressés et ont atteint un niveau qui correspond habituellement aux meilleures années de croissance économique, ce qui a fait augmenter les valorisations. Parallèlement, plusieurs incertitudes persistent. Le risque obligataire reste lui aussi élevé (comme le soulignent nos signaux de risque et de tendance), tandis que la croissance économique mondiale se maintient en deçà de son potentiel global (comme le révèlent nos signaux économiques). Néanmoins, la normalisation du risque lié aux actions mondiales et les récentes performances des marchés justifient encore de conserver une exposition à long terme aux marchés mondiaux.
En d’autres termes, Simply put, le commerce mondial pourrait persister dans une phase de « croissance lente » au cours des mois à venir, les économies plus ouvertes sous-performant celles qui le sont moins.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
- Notre signal de croissance a continué à reculer et suggère un régime de croissance faible mais stable. Les principaux facteurs incluent la détérioration des données sur l’emploi aux Etats-Unis et dans la zone euro
- Notre indicateur d’inflation en temps réel a également diminué, notamment dans la zone euro où il se rapproche du seuil de 50%
- Le signal envoyé par notre indicateur de politique monétaire a augmenté aux Etats-Unis, mais est resté stable en Chine et dans la zone euro.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : l’indicateur en temps réel de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).