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Face à l’inflation, la BNS infléchit son discours sur les interventions sur les marchés des changes

Face à l’inflation, la BNS infléchit son discours sur les interventions sur les marchés des changes
Markus Thöny - Head of Swiss Fixed Income

Markus Thöny

Head of Swiss Fixed Income
Philipp Burckhardt, CFA - Fixed Income Strategist and Senior Portfolio Manager

Philipp Burckhardt, CFA

Fixed Income Strategist and Senior Portfolio Manager

Faisant fi de l’incertitude entourant le secteur bancaire et les yeux rivés sur l’inflation, la Banque nationale suisse (BNS) a relevé ses taux d’intérêt lors de sa dernière réunion. Nous examinons la récente évolution de la politique monétaire, y compris les changements profonds opérés par l‘institut monétaire en matière d’orientation et de communication de ses interventions sur les marchés des changes.

 

Les points à retenir

  • La BNS a relevé ses taux d’intérêt de 50 pb et averti que de nouvelles hausses n’étaient pas exclues sur fond d’envolée rapide de l’inflation dans le pays
  • Après avoir discrètement élargi la portée de ses outils monétaires l’an dernier, la banque centrale a, pour la toute première fois, quantifié ses achats de francs suisses sur les marchés des changes la semaine dernière
  • Nous pensons que la prudence est de mise dans l’environnement actuel et tablons sur une nouvelle hausse des taux d’intérêt suisses en juin. La BNS vient toutefois de relever sa prévision d’inflation conditionnelle

 

Une semaine exceptionnelle pour la BNS

La Banque nationale suisse (BNS) vient de traverser une semaine extraordinaire, avec le mariage forcé entre UBS et Credit Suisse et une hausse de 50 pb des taux d’intérêt. Si la stabilité financière et la volatilité des marchés financiers ont pu donner du grain à moudre aux partisans d’un ralentissement du rythme du cycle de resserrement, la BNS s’est concentrée sur la nouvelle envolée de l’inflation intérieure, qui a imposé un durcissement des conditions de financement.

Les événements entourant UBS et le Credit Suisse ont eu une influence considérable sur toute la Suisse, un pays où le secteur bancaire occupe une place importante dans l’économie. En 2021, les banques y employaient 107’500 personnes. Le secteur financier (qui inclut également les compagnies d’assurances) représentait 9,0% du PIB cette même année. Même si le rapprochement entre UBS et le CS a eu l’effet escompté, nous en suivrons les répercussions sur l’économie suisse et sur l’incertitude accrue qui affecte le secteur bancaire dans le monde entier.

A plus court terme, nous nous concentrons sur la trajectoire de l’inflation et les interventions sur les marchés des changes, ainsi que sur les prochaines étapes de la politique monétaire suisse.

 

L’inflation vient du marché domestique

Loin de se montrer plus prudente, en relevant ses taux d’intérêt, la BNS a clairement indiqué qu’elle poursuivait sa lutte contre la forte poussée inflationniste enregistrée cette année. A 3,4%, l’inflation dépasse largement l’objectif de 2% qui correspond, selon la BNS, à la stabilité des prix. L’institut monétaire a notamment souligné la flambée des prix de l’électricité, des services touristiques et de l’alimentation. Même si un tel phénomène pouvait être ignoré, il suggère que des effets de second tour préoccupants pour la BNS se profilent.

Les composantes individuelles de l’inflation montrent que l’augmentation des prix est plus généralisée et qu’elle a une origine domestique. L’IPC ajusté, qui exclut du panier de l’IPC les 15% de produits qui affichent les variations les plus fortes et les plus faibles, a continué à grimper et atteint de nouveaux sommets (graphique 1). L’IPC ajusté est moins sensible aux valeurs extrêmes. On peut le considérer comme un indicateur d’une variation d’une part plus grande du panier.

 

Graphique 1. Les indices de l’inflation en Suisse

Swiss Macro update - Fig 1 CH inflation indices_FR-01.svg

Source : Office fédéral de la statistique suisse, BNS, calculs de LOIM. Données de février 2023.

 

Parallèlement, l’inflation globale intérieure a nettement augmenté par rapport aux hausses enregistrées l’an dernier et qui étaient le fruit d’une inflation importée (graphique 2). Les fluctuations de change expliquent dans une large mesure l’évolution de l’inflation importée. Cela étant, dans le pays, les prix des hôtels, par exemple, ont eux aussi augmenté en raison d’effets de second tour.

 

Graphique 2. Inflation intérieure et importée en Suisse

Swiss Macro update - Fig 2 CH dom vs imported inflation_FR-01.svg

Source : Office fédéral de la statistique suisse, calculs de LOIM. Données de février 2023.

 

Changement radical dans les interventions sur les marchés des changes

Alors que d’autres banques centrales mondiales s’appuient sur les marchés obligataires pour leur resserrement quantitatif, seule la BNS intervient sur les marchés des changes. Thomas Jordan, son président, a ainsi déclaré lors de la conférence de presse que la BNS avait vendu l’équivalent de CHF 27 milliards en devises étrangères au quatrième trimestre. Il a également annoncé qu’elle continuerait à vendre des devises, chaque fois que nécessaire, dans le cadre de sa politique monétaire. C’est la première fois que la banque centrale quantifie ses achats de francs suisses sur les marchés des changes.

Les interventions sur les marchés des changes constituent un pilier de la politique de la BNS depuis de nombreuses années, mais n’avaient jusqu’ici jamais explicitement été intégrées à sa trousse à outils. Tout cela a pris fin l’an dernier quand, après avoir discrètement mené un examen complet de sa politique monétaire, la BNS a modifié sa façon de mettre en œuvre sa politique.

Dans son rapport annuel, l’institution a ajouté une disposition expliquant qu’elle recourt « au besoin, à des mesures de politique monétaire complémentaires lui permettant d’influer sur le cours de change ou sur le niveau des taux d’intérêt ». Elle reconnaît ainsi l’importance accrue de ces mesures complémentaires au cours des dernières années.

C’est une véritable révolution. Jusqu’à présent, les mesures comme les interventions sur les marchés des changes étaient considérées comme non conventionnelles. La BNS a maintenant la capacité d’utiliser le taux de change comme un outil de politique conventionnel à long terme.

Son déploiement n’est pas anodin : le débouclement de CHF 27 milliards sur les CHF 885 milliards du bilan de la BNS peut sembler relativement modeste, mais il s’est accompagné d’une légère appréciation du franc suisse, qui a contribué à limiter l’inflation importée et est de bon augure pour les prochaines ventes de réserves de change. Avec ces nouveaux outils, la BNS peut à sa discrétion vendre davantage de devises étrangères à long terme sans avoir à justifier ses actions. Cette décision supprime également toute urgence à agir et lui permet de vendre (et d’acheter) de façon flexible en évitant d’éventuelles pressions politiques. Selon nous, ces changements sont positifs, car ils permettront une réduction (à terme) en douceur du bilan.

 

Autre hausse et prévisions de la BNS

Nous pensons que la BNS donnera un nouveau tour de vis en juin, même si ses prévisions d’inflation brossent un tout autre portrait.

Sa dernière prévision d’inflation conditionnelle semble indiquer que plusieurs hausses de taux supplémentaires pourraient être nécessaires, les prévisions ne montrant aucune chute de l’inflation sous l’objectif des 2% (graphique 3). Il s’agit là d’un signal extrêmement fort annonçant l’impossibilité pour la politique actuelle de ramener pour le moment l’inflation dans les clous et présageant de nouvelles hausses. En se laissant la possibilité de relever les taux d’intérêt à plusieurs reprises, la BNS pourrait également signifier qu’elle estime qu’il faut davantage s’appuyer sur la monnaie pour apaiser l’inflation.

 

Graphique 3. Prévision d’inflation conditionnelle de la BNS

Swiss Macro update - Fig 3 SNB inflation forecast_FR-01.svg

Source : BNS, calculs de LOIM. En mars 2023.

 

Nous pensons que l’inflation ralentira à moyen terme, et que les perspectives mondiales et la stabilité financière feront peser des risques permanents sur l’économie. Même si les problèmes du Credit Suisse sont pour l’instant résolus, la nature des exigences imposées aux banques a fortement changé avec l’avènement de la numérisation. Dès lors, leurs liquidités pourraient se retrouver beaucoup plus rapidement sous pression, ce qui aurait d’importantes répercussions pour certaines banques. Néanmoins, tout cela coïncide avec une amélioration généralisée de la stabilité du système bancaire : le risque de contagion est nettement moins fort que lors de la crise financière de 2008, car les banques sont mieux capitalisées et peuvent compter sur des coussins beaucoup plus solides.

 

A retenir : nous jugeons que la prudence est de mise dans l’environnement actuel et pensons que la BNS donnera un nouveau tour de vis en juin.
 

informations importantes.

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