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Inflation et emploi : l’exercice d’équilibriste de la BNS

Inflation et emploi : l’exercice d’équilibriste de la BNS
Markus Thöny - Head of Swiss Fixed Income

Markus Thöny

Head of Swiss Fixed Income
Philipp Burckhardt, CFA - Fixed Income Strategist and Portfolio Manager

Philipp Burckhardt, CFA

Fixed Income Strategist and Portfolio Manager

La Banque nationale suisse (BNS) avait plusieurs options pour sa dernière réunion de politique monétaire de 2022. Nous analysons sa décision de porter son taux directeur à 1%, son exercice d’équilibre entre les différents signaux économiques et les conséquences possibles sur la politique monétaire de l’an prochain. 

 

Les points à retenir

  • En relevant son taux directeur de 50 points de base (pb) en fin d’année, la BNS a tenu compte du ralentissement de l’inflation tout en reconnaissant la persistance des tensions sur le marché du travail en Suisse
  • Les prévisions de la BNS indiquent un taux d’inflation à 2,1% en 2025, alors que son taux cible est de 2%
  • En 2023, la BNS poursuivra l’exercice d’équilibre de sa politique de taux d’intérêt

 

En décidant de relever son taux directeur de 50 points de base lors de sa dernière réunion de politique monétaire, la Banque nationale suisse (BNS) a emboîté le pas à la Réserve fédérale américaine (Fed) et à la Banque centrale européenne (BCE), en choisissant toutefois le juste milieu entre une hausse forte (75 pb) et modérée (25 pb). Nous anticipons une nouvelle hausse de taux de 25 pb début 2023, une estimation que nous pourrions revoir en fonction des révisions des prévisions d’inflation de la BNS.

La BNS avait trois options : poursuivre avec une hausses de 50 pb, ralentir le rythme avec une hausse de 25 pb ou accélérer le resserrement en imposant une hausse de 75 pb.

Option 1 : hausse de 50 pb. Ce scénario (finalement adopté) était le choix de la tempérance et du compromis, déjà anticipé par le marché. La hausse de 50 pb reconnaît le ralentissement de l’inflation ces derniers mois tout en affirmant que la politique monétaire doit contrer un marché du travail en surchauffe et tenir compte d’une croissance convenable. En laissant la hausse de taux faire le gros du travail, la BNS a fait le choix de ne pas recourir à d’autres outils, tels que la réduction de bilan.

Option 2 : hausse de 25 pb et réduction du bilan. La BNS aurait pu opter pour une hausse de 25 pb, inférieure donc aux anticipations du marché, donner ainsi plus de poids au ralentissement de l’inflation en Suisse et accompagner potentiellement ce mouvement d’une réduction graduelle de son bilan. Elle se serait alors moins préoccupée des tensions du marché de l’emploi et davantage du risque de freinage brutal, et elle aurait eu recours à des leviers moins conventionnels pour traduire son aversion à l’égard d’un bilan important.

Option 3 : hausse de 75 pb. La BNS ne manquait pas d’arguments pour décider d’un relèvement de 75 pb pour recoller aux taux de la Fed et la BCE.  En 2022, la BNS n’a pas autant relevé ses taux que les Etats-Unis et la zone euro parce qu’elle ne se réunit qu’une fois par trimestre. A chaque fois, elle a décidé de hausses de 50 pb, contre quelques hausses de 75 pb pour la Fed et la BCE. Elle aurait pu décider d’une hausse plus importante pour les égaler. Ce scénario, toutefois improbable, risquait d’envoyer un mauvais signal au marché : le resserrement était tardif, l’inflation commençant à se détendre.

 

L’exercice d’équilibre de la BNS

La BNS a donc opté pour une position intermédiaire. La hausse de 50 pb est une position d’équilibre entre des moteurs économiques duaux : des données d’inflation et d’activité moins élevées d’un côté, et un taux d’activité élevé et un PIB résilient de l’autre. Les chiffres de l’emploi et du PIB sont toutefois généralement considérés comme des données reflétant déjà le passé.

L’inflation demeure au-dessus de la plage que la BNS assimile à la stabilité des prix, mais la Banque prévoit que «dans un premier temps, le renchérissement devrait rester relativement élevé» et a légèrement abaissé sa prévision jusqu’à la mi-2023. Elle a toutefois relevé sa prévision à moyen terme en raison d’une pression inflationniste accrue en provenance de l’étranger et de la propagation des hausses de prix. Elle a même communiqué une prévision de pic d’inflation de 2,1% au troisième trimestre 2025, juste au-dessus de son objectif de 2%. Cette prévision tend à indiquer qu’elle pourrait devoir resserrer sa politique monétaire et qu’il faut sans doute s’attendre à un relèvement de taux de plus de 25 pb l’année prochaine.

 

Figure 1. Prévision d’inflation conditionnelle de décembre 2022 de la BNS

Conditional inflation forecast_FR-01.svg

Source: BNS.

 

Globalement, l’inflation des prix ralentit nettement en Suisse (figure 2) et est même négative au vu de la moyenne des trois derniers mois.

 

Figure 2. IPC suisse (de trois mois en trois mois, corrigé des variations saisonnières et annualisé)

Swiss CPI_FR-01.svg

Source :  Office fédéral de la statistique suisse, calculs de LOIM. Novembre 2022.

 

Les facteurs techniques, comme l’effet des prix administrés, devraient se raffermir au premier trimestre, sans inquiéter la BNS, vu la tendance générale de ralentissement de l’inflation. La monnaie demeure une donnée clé : l’appréciation du franc cette année a permis de freiner l’inflation importée. La BNS a confirmé avoir vendu des devises étrangères ces derniers mois pour garantir des conditions monétaires appropriées et est disposée à être active sur le marché des changes si elle le juge approprié ou nécessaire.

 

Une navigation prudente

La décomposition des données récentes du PIB montre que les dépenses des ménages ont tenu bon sans baisser autant que prévu. L’investissement a également bien résisté. Cela dit, d’autres indicateurs de l’activité économique ont décroché, indiquant des risques de baisse. Par exemple, la confiance des consommateurs est très basse, et les indices d’achat PMI et de l’institut de recherche économique KOF1 s’inversent.

Néanmoins, le ralentissement de la zone euro pourrait créer des risques de repli de l’économie suisse. Les perspectives de croissance européenne sont très mitigées, et comme il s’agit du premier partenaire commercial de la Suisse, elles pourraient freiner sa croissance. Ce contexte oblige donc la BNS à naviguer avec prudence.

Le marché du travail suisse reste extrêmement tendu et le chômage structurellement bas (figure 3). La situation est similaire aux Etats-Unis, où l’inflation recule désormais et la vigueur du marché du travail est le dernier rempart. C’est une donnée qui tend à indiquer que l’économie ralentit après une position forte, des marchés du travail tendus et un resserrement monétaire.

Cela dit, les données de l’emploi sont généralement en décalage et tendent à annoncer un changement de conjoncture économique avec un effet retard. Dans ce cas, l’économie suisse pourrait-elle déjà avoir changé de régime ?

 

Figure 3. Taux de chômage et postes vacants en Suisse

Swiss unemployment_FR-01.svg

 

Source : Secrétariat d’Etat à l’économie. Novembre 2022.

 

En relevant son taux directeur à 1%, la BNS n’a privilégié ni le ralentissement de l’inflation, ni le marché de l’emploi, encore vigoureux. Vu les dernières prévisions d’inflation de la BNS, nous surveillons les signaux qui pourraient augurer un relèvement de 25 pb l’année prochaine. Cependant, de nombreux risques de repli économique subsistent, qui nous amènent à penser que la BNS va devoir continuer son exercice d’équilibre dans l’avenir.
 

Sources

[1] KOF : Centre de recherches conjoncturelles

 

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