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La révolution de la mobilité
La mobilité, c’est-à-dire la façon dont les personnes et les biens circulent, s’inscrit au cœur de notre économie et de nos modes de vie. Une révolution de la mobilité est déjà en cours et représente une opportunité d’investissement annuel de USD 2 000 milliards.
L’industrie du transport représente actuellement 14 % de l’ensemble des émissions mondiales de CO2 (soit 9,2 Gt d’éq. CO2 chaque année) et constitue l’un des rares secteurs à enregistrer encore chaque année une hausse de ses émissions. Le passage à un système de transport neutre en carbone se révèle essentiel. Et pourtant, pour aider la croissance économique, la demande de transport de marchandises et de personnes augmente fortement, en particulier dans les pays en voie de développement, ce qui risque d’éloigner encore un peu plus l’objectif d’un transport à neutre en carbone.
Ce pourrait être un moment charnière pour les transports, notamment en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19. Nous qualifions notre système de transport actuel de WILD, acronyme anglais des termes Wasteful (gaspillage), Idle (inefficient), Lopsided (inéquitable) et Dirty (sale). Le transport doit passer à un modèle CLIC, acronyme anglais des termes Circular (viable), Lean (efficace), Inclusive (inclusif) et Clean (transparent), tout en favorisant la mobilité et une reprise de la croissance économique. Cette révolution nécessitera un effort concerté des décideurs politiques, des consommateurs et des entreprises. Cette révolution de la mobilité devrait optimiser le cycle de vie des véhicules, permettre une utilisation plus rationnelle des options de mobilité et des modes de transport plus propres, tout en garantissant que les options de transport restent inclusives pour tous.
Malgré l’urgence de la transition nécessaire dans le secteur des transports, le dernier rapport de l’initiative « Transition Pathway Initiative » (TPI) a révélé que seulement 35 % des entreprises de transport sont alignées sur les critères de référence les moins ambitieux des accords de Paris. L’étude souligne également que moins d’une entreprise sur cinq a mis en place un plan de réduction de ses émissions visant à maintenir le réchauffement climatique à 2 °C maximum.
La crise du COVID-19 nous offre une occasion unique de révolutionner notre secteur des transports et de le faire évoluer vers un modèle plus durable. Nous estimons que les émissions de CO2 pourraient baisser de 4 à 8 % en 2020 et les émissions du transport routier d’environ 14 % au vue des restrictions de déplacement imposées par le COVID-19. La pandémie a entraîné une chute spectaculaire des déplacements, tous modes de transport confondus, car de nombreux pays ont imposé des restrictions aux déplacements. Dans de nombreuses villes, pour la première fois depuis des années, la circulation est bien plus fluide et la pollution atmosphérique a diminué de plus de 50 %. L’indice de trafic TomTom a révélé qu’en 2019, l’usager moyen passait 87 minutes de plus sur la route qu’en 2018. En revanche, en 2020, les villes sous le coup de restrictions de déplacement en raison du COVID ont constaté une diminution des embouteillages jusqu’à 85 %. Le transport aérien a chuté de près de 90 % dans de nombreuses régions. Les restrictions de déplacement ont eu des retombées négatives sur le fret et ont nui aux chaînes d’approvisionnement mondiales.
La crise du COVID-19 nous offre une occasion unique de révolutionner notre secteur des transports et de le faire évoluer vers un modèle plus durable.
Toutefois, pour atteindre l’objectif de limitation de la hausse des températures à 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris, le total des gaz à effet de serre (GES) doit diminuer de 7,6 % par an d’ici 2030 et les émissions du secteur des transports de près de la moitié à échéance 2050. Avant la pandémie de COVID-19, le véhicule personnel de l’usager moyen restait inutilisé sur les places de parking 96 % du temps ; l’essor des livraisons en ligne, des courses de taxis avec VTC et des voyages par avion alimentait une plus grande pollution de l’air et la congestion urbaine ; enfin, la majorité des véhicules étaient dotés d’un moteur à combustion interne (MCI).
L’assouplissement des mesures de confinement s’est accompagné de signes de résurgence de la pollution atmosphérique dans certaines régions. La grande question est maintenant de savoir si nous observerons un retour à la situation d’avant-pandémie pour les transports et donc d’un retour à la croissance des émissions dans un monde post-COVID. Il est essentiel que l’économie mondiale évolue pour garantir un mode de transport personnel plus durable, qu’il s’agisse de la façon dont la population se rend sur son lieu de travail ou de la façon dont ils se déplacent pour leurs loisirs et pour des voyages plus longs. Il est également primordial d’assurer la transition vers un transport plus durable des marchandises, compte tenu de la pression de plus en plus forte sur les chaînes d’approvisionnement mondiales et de l’appétit croissant pour la livraison à la demande.
Cependant, une reprise désordonnée risque d’entraîner l’adoption de nouvelles habitudes de transport plus polluantes, comme l’utilisation accrue des véhicules personnels au détriment des transports publics, pour des raisons d’hygiène. À notre avis, la crise est plus susceptible de servir de catalyseur pour une nouvelle accélération, plutôt que d’entraver le progrès. La pénétration des véhicules électriques est proche d’un point de basculement et les améliorations technologiques des véhicules électriques à batterie (VEB), engendrent des émissions, sur toute la longueur du cycle, inférieures à celles des véhicules à moteur à combustion (MCI). L’approvisionnement durable en matières premières et les possibilités de recyclage des piles en fin de vie sont également de plus en plus répandus.
Sans se limiter aux modes de transport personnel, il est également nécessaire de décarboniser l’industrie du fret, qui combine transport de poids lourds et longue distance. Ces émissions sont plus difficiles à réduire et constitue l’un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés. Les transports lourds sur de courtes distances peuvent quant à eux être largement électrifiés. Cependant, les transports longue distance sont relativement difficiles à décarboniser en ayant recours à l’énergie électrique, principalement en raison des limites actuelles imposées par le poids et la capacité des batteries. Dans ce domaine, des développements technologiques seront nécessaires pour rendre les solutions de décarbonisation (telles que l’ammoniac, les combustibles synthétiques et l’hydrogène) plus accessibles et plus rentables.
Nous nous attendons à ce que de nouvelles habitudes émergent, à ce que les anciennes reviennent, mais nous espérons que le soutien politique encouragera tous les modes de transport à devenir plus durables. La révolution des transports post-COVID nous semble génératrice d’opportunités dans les domaines de la technologie, de l’internet des véhicules, des infrastructures, des paiements mobiles, des bâtiments écologiques, de la mobilité en tant que service (MaaS), des biocarburants, de l’hydrogène, de la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques et des nouveaux modes de transport plus propres tels que la micromobilité. Nous entrevoyons également des risques pesant sur certains modèles économiques en place, comme la possession de véhicules, les moteurs à combustion, le transport aérien et la demande de pétrole.
Chez Lombard Odier, nous considérons la durabilité comme une conviction fondamentale et nous pensons que la durabilité des transports constitue un thème transversal qui impacte de multiples industries et fait émerger des défis en matière de durabilité. Nous pensons qu’une révolution des transports voit le jour actuellement et qu’elle a pour objectif de trouver des solutions à la chaîne complexe des émissions dues au développement économique.