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Un nouveau tour de vis en Suisse, mais sous quelle forme ?

Un nouveau tour de vis en Suisse, mais sous quelle forme ?
Markus Thöny - Head of Swiss Fixed Income

Markus Thöny

Head of Swiss Fixed Income
Philipp Burckhardt, CFA - Fixed Income Strategist and Portfolio Manager

Philipp Burckhardt, CFA

Fixed Income Strategist and Portfolio Manager

 

Points clés

  • Après avoir signé la fin de l’ère des taux négatifs lors de sa réunion de septembre, la Banque nationale suisse (BNS) a relevé ses prévisions d’inflation à court terme et déclaré qu’elle n’écartait pas de nouvelles hausses des taux d’intérêt
  • Nous pensons que la BNS continuera à resserrer sa politique monétaire, mais qu’elle relèvera maintenant ses taux d’intérêt avec parcimonie. Reste à savoir comment l’évolution du franc suisse influera sur la politique monétaire et si l’institution d’émission finira par ajouter une réduction de bilan à son arsenal.
  • Au vu des perspectives, les rendements positifs de toutes les obligations investment grade suisses pourraient offrir des points d’entrée intéressants aux investisseurs

 

La fin d’une ère

Après sept années de taux d’intérêt négatifs, la BNS a resserré sa politique monétaire lors de sa réunion de septembre et déclaré qu’elle n’écartait pas, le cas échéant, de nouvelles hausses des taux d’intérêt. Elle s’est d’ailleurs ralliée aux prévisions d’une crise économique mondiale des autres grandes banques centrales. La BNS a relevé ses taux de base de 75 points de base (pb), à 0,50%, et revu à la hausse ses prévisions d’inflation. Elle a aussi dévoilé des mesures de gestion de l’excédent de liquidités.

Nous pensons que la BNS continuera à resserrer sa politique monétaire dans un environnement macroéconomique incertain et en rapide mutation, avec pour principaux leviers monétaires le franc suisse et une possible réduction de son bilan. Convaincus qu’elle relèvera maintenant ses taux au compte-gouttes, nous soulignons qu’elle est plus conciliante que ses homologues. Aussi pensons-nous que les valorisations de crédit sont attractives.

 

Hausse des attentes

Le relèvement de 75 pb, quoiqu’inférieur aux 100 pb prévus par les marchés, reste conforme aux prévisions des économistes. La BNS a réaffirmé sa volonté d’intervenir autant que nécessaire sur les marchés des changes. De toute évidence, les attentes d’un relèvement plus musclé n’étaient pas fondées. En effet, elles reflétaient une forte révision à la hausse des projections après le durcissement de ton du président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, au symposium de Jackson Hole en août dernier.

De plus, la BNS a présenté sa stratégie technique visant à assurer une bonne gestion de l’excédent de liquidités. Elle a ajusté sa rémunération à deux paliers des avoirs à vue que les banques et d’autres intervenants sur les marchés financiers détiennent auprès d’elle. Elle gérera les liquidités au moyen d’opérations d’open market. L’objectif est de veiller à ce que les banques répercutent les taux de la BNS : nous pensons que les lignes de crédit plus importantes seront les premières à bénéficier des mesures, tandis qu’il faudra un certain temps pour que la concurrence entre les banques reprenne et, partant, que les clients plus petits soient concernés.

La BNS a revu à la hausse ses prévisions de juin d’inflation conditionnelle à court terme pour la fin 2023. Elle a toutefois légèrement abaissé le taux final de ses prévisions pour 2025 à 2%, en deçà des précédentes estimations. 

Nous en déduisons que la BNS ne s’inquiète pas outre mesure du découplage des objectifs des attentes en matière d’inflation et qu’elle juge ses interventions actuelles suffisantes. Si le taux final dépassait 2%, la BNS devrait poursuivre son offensive.

 

Graphique 1. IPC suisse (en glissement annuel) et attentes en matière d’inflation de la BNS

CHF macro-SNB Inflation-01.svg

Source : Office fédéral de la statistique suisse, BNS.

 

Plus important, l’inflation suisse présente les premiers signes d’essoufflement, comme en témoigne la baisse des derniers chiffres de l’IPC suisse (graphique 2). Nous pensons qu’ils représentent une première, mais sérieuse remise en cause du scénario d’inflation persistante et qu’ils pourraient laisser entrevoir une réduction en Suisse.

 

Graphique 2. IPC suisse (en glissement trimestriel, corrigé des variations saisonnières et annualisé)

CHF macro-CPI-01.svg

Source : Office fédéral de la statistique suisse.

 

Qu’en est-il du bilan ?

Nous pensons que la BNS continuera à resserrer sa politique monétaire et qu’elle donnera de nouveaux tours de vis, dont l’ampleur dépendra de la trajectoire de l’inflation. A cet égard, la monnaie devrait, selon nous, constituer un indicateur clé. Pour l’heure, nous estimons que la BNS relèvera maintenant ses taux avec parcimonie et que des hausses supérieures à 75 pb semblent peu probables.

A notre avis, elle ne devrait pas accélérer le rythme ni l’ampleur des futurs relèvements. Nous tablons sur un taux final suisse toujours proche de son équivalent de la zone euro, les taux européens ayant atteint environ 2,5%, tandis que les taux suisses restent 50 à 75 pb en-deçà, aux environs de 1,5 à 2% - une prévision, bien évidemment, soumise à un environnement macro en rapide mutation.

La BNS est disposée à tolérer une modeste appréciation du franc suisse, ce qui limitera naturellement l’inflation importée. Elle pourrait même aller plus loin et, selon nous, accepter une forte appréciation. Si cela n’a jamais expressément figuré parmi ses priorités, la BNS a commencé par signer la fin de l’ère des taux négatifs et pourrait maintenant réduire son bilan.

 

Interaction entre les outils politiques

L’exercice d’équilibre entre hausses des taux d’intérêt et réduction du bilan relève plus de l’art que de la science. Dans un récent entretien, le président de la BNS, Thomas Jordan, a clarifié la vision de l’institut monétaire. Interrogé sur le recours à une réduction de bilan en lieu et place de relèvements des taux, il a répondu que la BNS attendrait des pressions inflationnistes, des taux d’intérêt positifs et une dépréciation du franc suisse. En effet, elle est disposée à combattre l’inflation potentielle en tolérant une appréciation modérée du franc suisse pour maîtriser l’inflation importée. Thomas Jordan a toutefois clairement ouvert la voie à des mesures de resserrement incluant non seulement une hausse des taux d’intérêt, mais aussi une réduction de bilan. La BNS a d’ailleurs vendu des francs suisses au deuxième trimestre, a-t-il conclu.

Sa déclaration concernant le taux neutre n’était pas moins intéressante. Thomas Jordan a affirmé que la politique monétaire ne stimule actuellement pas l’économie, suggérant que le taux neutre a été atteint.

Compte tenu de ces remarques et du fait que les taux sont repassés en territoire positif, nous pensons que la BNS finira par ajouter une réduction de bilan à son arsenal monétaire. Elle cherchera selon nous un équilibre entre taux positifs, d’une part, et franc suisse modéré, de l’autre. Les déclarations de Thomas Jordan suggèrent également que la politique monétaire de la BNS est déjà neutre. L’institution d’émission peut choisir de ralentir le rythme de relèvement des taux d’intérêt et de renforcer ses interventions sur les marchés des changes. Etant donné qu’elle fondera ses décisions sur une analyse risque/rendement, elle pourrait estimer que, maintenant que les taux sont positifs, une réduction de son bilan est plus importante que jamais.

 

La croissance mondiale

Faisant écho à l’essoufflement de la croissance mondiale, la BNS a abaissé de 50 pb ses prévisions pour le PIB suisse pour cette année, à 2%. Elle a averti que les risques d’un ralentissement économique mondial, de pénurie de gaz en Europe et de pénuries d’électricité en Suisse, ainsi que de résurgence de la pandémie jettent un doute sur ses prévisions.

Les perspectives économiques à court terme en Suisse se sont dégradées, mais l’évolution du marché du travail est positive (graphique 3). D’une manière générale, nous pensons également que l’économie sera résiliente et que le secteur bancaire se portera bien.

 

Graphique 3. Taux de chômage en Suisse (corrigé des variations saisonnières)

CHF macro-Unemployment-01.svg

Source : Secrétariat d’Etat à l’économie

 

La Suisse étant généralement tributaire de l’activité mondiale, nous tablons sur une interaction entre mesures budgétaires, politique monétaire et évolution des prix de l’énergie. A l’échelle mondiale, les mesures de relance budgétaire et les programmes d’aide en faveur de l’énergie sont passés à la vitesse supérieure. Cela étant, la politique monétaire s’est durcie et est devenue plus restrictive, afin de contrer les effets des mesures de relance budgétaire. Compte tenu de cette interaction, de nombreux scénarios restent possibles, en fonction de l’ampleur des chocs externes.

 

Lanceuse d’alerte

A notre avis, la récente hausse de 75 pb indique que la BNS maintient le cap et s’en tient à son plan à moyen terme : atteindre les objectifs d’inflation sans se laisser influencer par les perceptions du marché. Dès le mois de juin, elle a créé la surprise en donnant un coup de marteau, devançant la Banque centrale européenne (BCE) et lançant l’alerte auprès des autres banques centrales quant à la persistance de l’inflation.

De plus, la BNS est plus conciliante que ses homologues. Dans l’environnement inflationniste actuel, nous sommes d’avis que plus les déclarations des banques centrales sont évasives plus elles sont efficaces. Les anciennes techniques de forward guidance détaillées ne prennent pas en compte le climat d’incertitude actuel. Moins fréquentes et plus sobres, les interventions de la BNS guident le marché sans ajouter une granularité rapidement obsolète qui l’obligerait à revenir sur ses déclarations précédentes sur des marchés déjà volatils.

 

Des points d’entrée attrayants

Pour l’avenir, nous tablons sur un nouveau tour de vis, mais pensons que la BNS relèvera maintenant ses taux avec parcimonie. Reste à savoir comment la monnaie influera sur la politique monétaire et si l’institution d’émission finira par ajouter une réduction de bilan à son arsenal.

Les valorisations actuelles ont atteint des niveaux inégalés depuis plusieurs décennies, toutes les obligations investment grade suisses générant des rendements positifs. Compte tenu de nos prévisions pour les taux et l’économie, nous pensons que les rendements actuels offrent des points d’entrée intéressants aux investisseurs.

 

Graphique 4. Aux niveaux actuels, les rendements suisses offrent des points d’entrée intéressants

CHF macro-Yield to maturity-01.svg

Source : Bloomberg. Rendements au 19 septembre 2022. La performance passée n’offre aucune garantie quant aux résultats futurs. Les rendements sont sujets aux changements et peuvent varier au fil du temps.

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