L’augmentation des droits de douane est un élément important du programme du président élu Trump, etcelui que les investisseurs redoutent le plus. Différents scénarios pour 2025 ont vu le jour et suggèrent que leur application sera plus nuancée. Trump souhaiterait « signer des accords » plutôt que mettre ses mesures en œuvre sans distinction. Il soulignerait ainsi ses talents de négociateur plutôt qu’un éventuel entêtement. Même s’il peut séduire, cet argument passe à côté d’un point essentiel : on ne peut plus tabler sur un retour au libre-échange au cours de la décennie à venir. Malgré les critiques des partis populistes ces dernières années, le libre-échange compte des qualités largement acceptées, telles que la réduction des écarts de richesse entre les pays ou la rentabilité des capitaux, du moins dans certains cas. Cette semaine, Simply put évalue les conséquences structurelles de la fin du libre-échange, en particulier pour les pays émergents.
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Échanger pour aplanir les disparités économiques
Les théories du commerce international ont constitué une part importante du programme de tous ceux d’entre nous qui ont étudié l’économie dans les années 1980 et 1990. Parmi elles, le modèle Hecksher et Ohlin, révisé par Samuelson (HOS), occupait une place centrale. Dans les années 1930, ces deux économistes ont revisité une idée du XIXe siècle appelée « théorie des avantages comparatifs » de David Ricardo. En résumé, cette théorie imagine un pays disposant de capitaux abondants (et bon marché), mais manquant de main-d’œuvre (chère), qui commerce avec un pays se trouvant dans la situation inverse. Si ces pays font tomber leurs barrières tarifaires et commercent librement, celui qui dispose d’une main-d’œuvre abondante se spécialisera dans la production de biens à forte intensité de main-d’œuvre et l’autre dans la production de biens nécessitant des capitaux élevés. En raison de cette spécialisation, les prix du travail augmentent dans le premier pays, tout comme les rendements du capital dans le second, ce qui aplanit les disparités initiales.
Quelques études de cas se sont penchées sur l’application de cette théorie, notamment aux Etats-Unis et en Chine. Depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001, le taux de croissance de ses salaires a largement augmenté, tandis que les rendements de ses capitaux (le facteur de leur rareté) ont diminué. Aux Etats-Unis, on a généralement observé l’inverse : la croissance des salaires a ralenti tandis que les rendements du capital en termes réels se sont maintenus. Ce scénario apparaît clairement dans le graphique 1, qui couvre la période 2001-2014 : le libre-échange a contribué à réduire les disparités entre les deux économies. Les effets sont évidemment plus spectaculaires du côté de la Chine et ne sont pas uniquement dus au libre-échange. En tout état de cause, le graphique 1 confirme le modèle HOS.
Graphique 1. Croissance des salaires (à gauche) et taux réels (à droite)1
Ce que la fin du libre-échange pourrait signifier
L’un des principaux enseignements à tirer de l’exemple du libre-échange sur ces deux décennies est qu’il a permis à certains pays en développement de combler partiellement leur écart de niveau de vie avec les pays du G10. Une sortie du libre-échange pourrait donc interrompre ce processus de convergence qui dure depuis près d’un quart de siècle.
Et rien de tout cela n’est théorique, les choses ont déjà commencé. Le graphique 2 montre qu’entre 2001 et 2018, le ratio du PIB par habitant entre la Chine et les Etats-Unis est passé de 2% à 16%, soit un resserrement considérable des écarts de revenu par habitant entre ces deux pays. Les Etats-Unis n’ont pas particulièrement souffert : leur revenu par habitant est passé de USD 37’000 à USD 60’000, soit un quasi-doublement au cours de cette période. En revanche, dans la zone euro, il n’est passé que de USD 20’000 à USD 39’000 sur la même période. Depuis 2018, année de mise en place des premières barrières tarifaires, cette convergence semble s’être arrêtée. Ce qu’il faut retenir, c’est que les préoccupations à court terme des investisseurs cachent un problème structurel qui prend forme depuis maintenant cinq ans : le ralentissement de la convergence entre les marchés émergents et les marchés développés pourrait être un facteur qui caractérisera la décennie à venir – et dont les implications sur l’investissement restent actuellement incertaines.
Graphique 2. PIB par habitant en dollars et ratio entre le PIB par habitant de la Chine et celui des Etats-Unis1
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Ce que cela signifie pour All Roads
L’allocation actuelle de notre stratégie All Roads privilégie le crédit souverain des pays émergents sur les actions des pays émergents. Nous considérons que c’est un positionnement cohérent au regard de la tendance structurelle au ralentissement qu’affiche la convergence entre les marchés développés et émergents. Bien que cette tendance ne remette probablement pas en cause la solvabilité des pays émergents et leurs perspectives de crédit, elle risque de peser sur la croissance des bénéfices des entreprises des pays émergents et, par conséquent, sur la performance des actions. Pour autant, notre allocation reste suffisamment flexible pour permettre une révision opportuniste de ce positionnement en fonction de l’évolution des tendances du marché
En d’autres termes, Simply put, une sortie du libre-échange pourrait avoir des répercussions négatives sur la convergence entre les pays développés et les pays émergents.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
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Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : l’indicateur en temps réel de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).