Réduction des émissions : deux objectifs dans la sidérurgie et le transport maritime

Elise Beaufils - Deputy Head of Sustainability Research
Elise Beaufils
Deputy Head of Sustainability Research
Mona Shah - Senior Sustainability Strategist
Mona Shah
Senior Sustainability Strategist
Réduction des émissions : deux objectifs dans la sidérurgie et le transport maritime

points clés.

  • Les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions doivent être regardés avec précaution. Si les objectifs témoignent du degré d’ambition d’une entreprise, seules une stratégie efficace et une discipline sans faille peuvent garantir que les résultats souhaités seront atteints
  • Au bout du compte, une entreprise qui appuie ses objectifs de décarbonation sur des responsabilités et des processus clairs aura plus de chances de réussir que si elle multiplie les déclarations ambitieuses, sans y associer une stratégie solide pour les concrétiser
  • A notre avis, l’ouverture en matière d’engagement est un facteur important, car elle nous permet de contribuer à la valeur d’une entreprise à travers des conversations concrètes qui conduisent à des résultats positifs à long terme en matière de décarbonation.

Peut-on se fier aux objectifs de réduction des émissions ambitieux? Pas toujours. Les objectifs témoignent du degré d’ambition d’une entreprise, mais la stratégie et la discipline sont indispensables pour transformer de bonnes intentions en actions et en résultats mesurables. Nous vous présentons ici deux objectifs. Ils semblent tous les deux crédibles, mais en réalité, l’un d’entre eux a, selon nous, plus de chances d’être atteint que l’autre.

Les entreprises concernées sont bien réelles, mais leur nom a été modifié. Notre intention n’est pas de pointer du doigt des acteurs en particulier, mais de démontrer comment des objectifs apparemment similaires peuvent masquer des facteurs menant à des résultats très différents. Nous avons choisi des entreprises de secteurs à forte intensité carbone, la sidérurgie et le transport maritime. Leur décarbonation fait face à des obstacles importants et comparables.

Ce type d’analyse fait partie intégrante de nos stratégies d’investissement TargetNetZero, qui sont axées sur les entreprises qui réduisent véritablement leurs émissions dans des secteurs difficiles à décarboner.

Acier S.A. : des intentions audacieuses, et un courage véritable ?

Selon l’Association mondiale de l’acier, l’acier est responsable d’environ 7 à 9% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La sidérurgie est un secteur aux marges faibles qui dépend fortement des combustibles fossiles, notamment comme source de chaleur dans les hauts-fourneaux. Les aciéries sont des usines gigantesques et complexes dont la durée de vie est de 30 à 50 ans. Il est donc particulièrement compliqué de rentabiliser le remplacement ou la rénovation des actifs au profit de technologies plus sobres en carbone. A l’heure actuelle, les nouveaux processus industriels et chimiques ne sont encore qu’en phase de développement et ne peuvent pas encore être déployés à grande échelle pour une exploitation commerciale.

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Malgré les difficultés, Acier S.A. semble, à première vue, être bien engagée dans la transition vers la décarbonation. L’initiative indépendante Science Based Targets (SBTi) a validé ses objectifs de décarbonation, qui sont alignés sur un réchauffement mondial inférieur à 1,5 °C. L’entreprise s’est engagée à réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre des scopes 1 et 2 d’ici à 2030, ainsi qu’à diminuer les émissions associées aux voyages d’affaires pour le scope 3 et à abaisser de 14% les déchets générés par ses activités. Elle s’est également engagée à assurer, au niveau de ses fournisseurs de produits et services achetés, ainsi que du transport et de la distribution en amont, que les entreprises représentant 80% des émissions auront défini des objectifs fondés sur des données scientifiques d’ici à 2025.

Acier S.A. compte donc bel et bien parmi les leaders de la transition à en juger par son alignement sur l’objectif d’augmentation des températures de 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris. Cela étant, avant d’investir, nous souhaiterions comprendre pourquoi l’entreprise a choisi de tels niveaux pour ses objectifs et savoir quelles seraient les implications pour son bilan et les investissements nécessaires. Nous nous demanderions également pourquoi elle n’a pas encore défini d’objectif pour les émissions en aval de scope 3. Nous sommes fermement convaincus par l’engagement direct auprès des entreprises sur les questions de durabilité. Il constitue un moyen efficace de débloquer de la valeur à long terme pour les actionnaires. A ce jour, Acier S.A. n’a pas souhaité s’engager à nos côtés.

« L’expérience et l’expertise sont indispensables pour distinguer les vœux pieux des objectifs réalisables. »

Transport et Cie : un cap clair

L’économie mondiale ne peut pas se passer du transport maritime, une industrie qui intervient dans le transport de 90% des biens échangés dans le monde. Ce secteur est également responsable de 3% du total des émissions mondiales. Il est donc impératif de le décarboner aussi vite que possible. Pourtant, les faibles marges bénéficiaires compliquent la transition vers des carburants à plus faible teneur en carbone. En outre, les coûts associés à l’adaptation des infrastructures et au déploiement de nouvelles flottes de navires à haute efficacité énergétique (ou la rénovation du parc existant) sont souvent bien trop élevés, notamment pour les navires ayant une durée de vie habituelle de 20 à 30 ans. De plus, les carburants à faible teneur en carbone tels que l’hydrogène et l’ammoniac prennent beaucoup de place, ce qui réduit le précieux espace de chargement des navires. La viabilité commerciale des navires qui utilisent des batteries ou s’aident de voiles n’est quant à elle pas encore suffisante pour un déploiement à grande échelle.

Pourtant, même si la décarbonation du secteur est confrontée à d’importants obstacles, Transport et Cie prend des mesures claires pour maximiser ses chances de réussite. L’entreprise vient de nommer un spécialiste des biocarburants et autres solutions de substitution au sein de son conseil d’administration. Il dirigera un comité d’experts qui supervisera l’ensemble de la stratégie de décarbonation. Elle s’est déjà engagée à réduire de 30% ses émissions d’ici à 2030 et a annoncé un programme d’investissement qui lui permettra d’atteindre cet objectif. Elle a également chargé des cabinets de conseil de réaliser des études supplémentaires afin d’évaluer comment continuer à améliorer ses objectifs. Enfin, elle prévoit de publier un objectif fondé sur des données scientifiques au deuxième trimestre 2025.

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Contrairement à Acier S.A., Transport et Cie nous a indiqué qu’un engagement sur les questions de décarbonation pourrait être très productif. Jusqu’à présent, les actions de l’entreprise ont témoigné de sa bonne volonté. Toutefois, elle se montre également honnête sur le fait qu’elle ne sait pas exactement jusqu’où elle pourra aller et à quelle échéance. Son ouverture d’esprit est propice à la discussion. Nous pouvons ainsi partager notre point de vue sur les actions de ses homologues face à ces problèmes, ainsi que sur les avantages qu’elle pourra tirer des progrès au-delà de son secteur et sur l’ensemble de la chaîne de valeur.

Au bout du compte, la ligne de conduite de Transport et Cie dépendra de sa situation spécifique. Dans un secteur aux coûts fixes très élevés et aux investissements significatifs, cette entreprise devra veiller à protéger son bilan. Elle pourrait être amenée à prolonger la durée de vie de sa flotte actuelle en équipant ses navires de technologies à plus faible teneur en carbone dans des délais raisonnables. En revanche, compte tenu de l’âge de sa flotte, la meilleure option consisterait à prévoir d’investir dans de nouveaux navires dès que les technologies appropriées seront disponibles et abordables. La bonne décision dépendra d’un éventail de facteurs allant de l’évolution des infrastructures portuaires aux prix des carburants de substitution et aux progrès de la décarbonation dans le secteur des combustibles fossiles.

Pour évaluer si les objectifs sont atteignables, l’expérience et l’expertise en matière de durabilité sont indispensables

Ces deux exemples illustrent l’importance de se projeter au-delà des déclarations audacieuses et des communiqués de presse enthousiastes pour comprendre la réalité qui se cache derrière les aspirations des entreprises en matière de décarbonation. Ce n’est qu’en comprenant les fondamentaux d’une entreprise et en analysant rigoureusement la stratégie qu’elle a définie pour atteindre ses objectifs en la matière que les investisseurs pourront déterminer s’ils sont réalistes. L’expérience et l’expertise sont indispensables pour distinguer les vœux pieux des objectifs réalisables.

Cela fait maintenant près de quatre ans que nous nous appuyons sur notre compréhension de la décarbonation pour nos stratégies TNZ. LOIM a été l’un des premiers gestionnaires d’actifs à créer un indicateur propriétaire de la hausse de température implicite (Implied Temperature Rise, ITR).  Le Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat (Task Force on Climate Related Financial Disclosures) a d’ailleurs salué notre méthodologie. Nous avons également acquis une solide expertise qualitative fondée sur la compréhension des nuances au niveau des secteurs, des régions et de l’ensemble des chaînes de valeur associées à cette question. Notre équipe d’engagement peut donc s’appuyer sur des informations originales et à la pointe du marché pour nouer un dialogue concret avec les entreprises en vue d’obtenir des résultats positifs à long terme en matière de décarbonation dans les secteurs difficiles à décarboner.

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