Nouvelles conditions de taux : que signifie la hausse des rendements obligataires ?

Florian Ielpo, PhD - Head of Macro, Multi Asset
Florian Ielpo, PhD
Head of Macro, Multi Asset

points clés.

  • La hausse des rendements des obligations à dix ans, dans l’ensemble des économies du G10, affecte la performance des portefeuilles car les indices mondiaux d’obligations gouvernementales affichent des performances négatives
  • Ce scénario de hausse des rendements entrave la maîtrise de la trajectoire de la dette et la croissance future dans certaines économies : les marchés mettent les politiques budgétaires et monétaires sous pression
  • De plus, l’appréciation du dollar américain freine les perspectives de bénéfices, pour l’instant seulement pour les entreprises des marchés émergents (ME), mais celles des marchés développés (MD) pourraient suivre. En ce début d’année, la hausse des taux crée des obstacles macroéconomiques.

Pour commencer, bonne année à tous nos lecteurs ! Nous vous souhaitons des performances positives dans tous vos portefeuilles. 

En ce début 2025, nos indicateurs macroéconomiques suggèrent une légère reprise, ce qui est habituellement de bon augure pour la rentabilité attendue en raison du bas niveau des défaillances et de la progression des bénéfices associée à ces conditions. Toutefois, l’année a débuté sur un ton moins optimiste, dans le contexte d’une hausse des rendements des obligations gouvernementales, les taux des titres à long terme augmentant plus rapidement que ceux des titres à court terme (« pentification baissière »). Sachant que ces variations ne sont habituellement pas favorables aux marchés des actions, il convient d’évaluer la potentielle incidence de ces nouvelles conditions de taux sur la croissance, les scénarios budgétaires et les perspectives de bénéfices, car les taux à long terme sont une variable macroéconomique cruciale. Nous sommes heureux d’entamer avec vous une nouvelle année de Simply put, en analysant cette semaine le nouvel environnement de taux. 

Lire aussi : Quelles retombées la fin du libre-échange pourrait-elle avoir sur les marchés ?

Conséquences de la hausse des rendements à long terme  

La situation qui s’est installée sur les marchés financiers est surprenante. Les banques centrales avaient adopté un ton plus accommodant entre la fin 2023 et 2024, de sorte que les acteurs du marché s’attendaient à une nouvelle réduction des taux d’intérêt. De fait, les pays du G10, à l’exception notable du Japon, envisagent encore des baisses de taux. Ces baisses tendent habituellement à faire diminuer les rendements des obligations à long terme, mais c’est bien le contraire que l’on constate actuellement. Les rendements des titres à dix ans ont augmenté aux Etats-Unis, entraînant ceux des autres pays du G10 dans leur sillage. Depuis le 16 septembre, et après l’intégration de la « prime Bessent1»  dans les cours, les rendements des titres américains à dix ans ont gagné environ 120 points de base. En conséquence, les rendements de la plupart des titres à dix ans ont regagné une grande partie du terrain perdu au premier semestre 2024, ce qui a engendré des coûts significatifs pour les portefeuilles exposés à la duration : un indice mondial de bons du Trésor a dégagé -1,7% en USD durant cette période.

Pourquoi est-ce important ? Deux facteurs principaux semblent alimenter cette hausse inattendue des rendements. Tout d’abord, la politique budgétaire est jugée trop accommodante et la trajectoire future de la politique monétaire est remise en question par une inflation persistante. Ces facteurs exercent une grande influence sur la dynamique du marché :
 

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Premièrement, lorsque les rendements nominaux augmentent plus fortement que la croissance nominale, cela fait automatiquement augmenter le futur ratio dette/PIB national. Par exemple, les données montrent actuellement que l’Italie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni sont confrontés à des taux qui sont trop élevés pour que la trajectoire de leur dette prenne une tendance baissière, ce qui suggère que le marché appellera à la consolidation budgétaire (voir la partie gauche du graphique 1). 
 

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Deuxièmement, lorsque les rendements réels (rendements nominaux corrigés de l’inflation) dépassent la croissance réelle, cela tend à freiner l’activité économique, générant ainsi une tendance désinflationniste. La partie droite du graphique 1 montre que cela est le cas dans des pays tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Italie, où les rendements réels sont actuellement supérieurs à la croissance réelle. 


Fondamentalement, les rendements des titres à long terme remplissent une fonction de réglementation que ni les gouvernements ni les banques centrales ne sont disposés à assumer, les gouvernements pour des raisons électorales (consolidation budgétaire) et les banques centrales en raison de leur volonté d’amorcer un atterrissage en douceur. Les défenseurs des obligations sont de retour, mais leur influence s’étend au-delà de la simple hausse des taux.

GRAPHIQUE 1. Comparaison entre les rendements nominaux et la croissance nominale structurelle (à gauche, réversibilité de la dette) et entre les rendements réels et la croissance réelle potentielle (à droite, incidence sur la croissance) 2


Gardons un œil sur le dollar américain

Ces derniers temps, la hausse des rendements a été plus prononcée pour les obligations américaines que pour celles des autres pays du G10. Cette tendance a été particulièrement marquée sur la partie courte de la courbe, engendrant une appréciation rapide du dollar. Au cours des six derniers mois, le billet vert a gagné environ 6% sur une base pondérée des échanges. Cette forte hausse pourrait avoir de profondes répercussions macroéconomiques. 

La hausse du dollar américain tend à assombrir la situation sur divers marchés, à commencer par une potentielle détérioration des perspectives de bénéfices pour les actions américaines et internationales. De plus, le coût accru de l’accès au dollar pourrait menacer la trajectoire des bénéfices des actions des ME. Le graphique 2 estime la potentielle incidence des variations du dollar sur les bénéfices des MD et des ME sur une période de six mois. Les données suggèrent que cette incidence est généralement minime jusqu’à ce que le dollar s’apprécie de plus de 5% pour les actions des ME et de 8% pour les actions des MD. 

A l’heure actuelle, il semble que les actifs des ME aient déjà atteint leur seuil de douleur. Toute appréciation supplémentaire du dollar pourrait commencer à affecter le segment le plus cher des marchés des actions, à savoir les actions américaines, qui sont maintenant extrêmement sensibles à leurs prévisions de bénéfices. Alors que la saison de publication des résultats approche, de nombreuses raisons appellent à la prudence. Les investisseurs et les analystes de marché devraient faire particulièrement attention à ces dynamiques, car l’interaction entre la hausse du dollar et les bénéfices des actions internationales pourrait dicter les tendances du marché et les stratégies d’investissement au cours des mois à venir.

GRAPHIQUE 2. Incidence estimée d’une appréciation de six mois du dollar américain sur la croissance des bénéfices3

impact

Ce que cela signifie pour All Roads

Compte tenu des risques macroéconomiques associés au niveau actuellement plus élevé des rendements, notre tableau de bord d’investissement nous a poussés à modifier l’allocation de nos investissements. Nous nous détournons doucement des actions des MD et des ME en faveur des swaps d’inflation et des spreads de crédit. De plus, par prudence, nous avons revu à la baisse notre exposition totale aux marchés, qui se chiffre actuellement à 110%. Cet ajustement reflète un remaniement stratégique vers une plus grande prudence, en réponse à la hausse des rendements, afin de veiller à ce que nos portefeuilles soient mieux alignés sur l’évolution des conditions économiques et de marché.

Pour le dire simplement, Simply put, la hausse des rendements freine temporairement les perspectives de l’économie et des marchés. 

Indicateurs macro/en temps réel

Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.

Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :

  • Notre signal de croissance montre toujours une amélioration de la croissance mondiale, à partir de niveaux plus bas.
  • Notre indicateur d’inflation en temps réel affiche une tendance haussière, mais seule une poignée de données ont augmenté sur une base mensuelle. Aux Etats-Unis, 36% des données liées à l’inflation ont récemment augmenté.
  • Les signaux de notre indicateur de politique monétaire en temps réel se sont affaiblis dans la zone euro et en Chine, mais sont restés stables aux Etats-Unis. Une politique monétaire neutre à accommodante semble être à l’ordre du jour. 

     

Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
 

growth


Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

Inflation

 
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)


Monetary policy
  
Note de lecture : les indicateurs en temps réel de LOIM rassemblent différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).

3 sources
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1 La « prime Bessent » désigne la reprise du marché obligataire survenue après la nomination de Scott Bessent au poste de secrétaire au Trésor américain par le nouveau gouvernement Trump.
2 Bloomberg et LOIM. Au 14 janvier 2025. Uniquement à titre indicatif.
3 Bloomberg et LOIM. Au 14 janvier 2025. Uniquement à titre indicatif. Les cercles de couleur orange et bleue illustrent les valeurs récentes de la progression du dollar américain. Les estimations proviennent d’une régression cubique.

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