Pour les observateurs de la macroéconomie et des marchés, l’inflation est passée de préoccupation principale entre 2021 et 2023 à celui de facteur secondaire aujourd’hui. Ce revirement s’explique par la désinflation, manifestée notamment par la baisse de l’inflation européenne en dessous de 2% et les mesures de réduction des taux prises par la plupart des grandes banques centrales (à l’exception de celle du Japon). Parmi les investisseurs, le consensus est désormais que l’inflation poursuit son recul et que le maintien des couvertures n’est pas une priorité.
Comme nos lecteurs le savent peut-être, nous croyons au principe « 40-40-20 » : 40% de l’histoire économique se caractérise par une amélioration des conditions de croissance, 40% par des périodes de détérioration de croissance et les 20% restants par des hausses inattendues de l’inflation. Sur ce dernier point, il est important de rappeler que les primes de risque ne dépendent pas du niveau réel de l’inflation mais de l’évolution des anticipations des investisseurs. En d’autres termes, des surprises en matière d’inflation. Le consensus du recul de l’inflation a ainsi contribué à la sous-évaluation des actifs indexés sur l’inflation, selon notre analyse, même si les périodes inflationnistes n’ont représenté que moins de 20% de ces dernières décennies.
Devrions-nous également réduire les expositions sensibles à l’inflation dans notre stratégie multi-actifs ? La réponse est tout sauf évidente. Voici notre point de vue, en mode Simply put.
Quelle inflation ?
Après des sommets à 8,8% en 2021 et 6,0% en 2022, la baisse récente de l’inflation américaine en dessous de 3% semble avoir convaincu les marchés et les économistes que la Réserve fédérale (Fed) a enfin maîtrisé la poussée d’inflation post-Covid. Selon les prévisions des économistes spécialistes du secteur privé pour 2025 et 2026, l’inflation américaine devrait tomber en dessous de 3%, pour atteindre respectivement 2,2% et 2,3%. Dans la zone euro, le dernier taux d’inflation enregistré de 1,8% est certes inférieur à l’objectif de 2% de la Banque centrale européenne (BCE), mais on s’attend de manière générale à ce qu’il se stabilise à ce niveau au cours des deux prochaines années.
Collectivement, ces prévisions ont également influencé le consensus des investisseurs. Le graphique 1 illustre le classement récent de différentes classes d’actifs en fonction de leur tendance de performance et de leur portage. Les actifs indexés sur l’inflation (obligations et matières premières indexées sur l’inflation) affichent de faibles performances en termes de tendances, mais sont considérés comme les meilleurs en termes de portage. Par conséquent, ils sont actuellement réputés comme étant « bon marché » sur un large éventail de marchés, compte tenu du faible appétit des investisseurs à leur égard. Cela contraste fortement avec d’autres segments de marché, comme les grandes capitalisations américaines, qui sont considérées comme chères. Mais la question demeure : l’inflation est-elle vraiment derrière nous ?
Graphique 1 : Classement des classes d’actifs en fonction de la tendance et du portage1
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Le sourire de l’inflation
Pour répondre à cette question, nous pouvons considérer les tendances structurelles susceptibles d’influencer l’inflation au cours des dix prochaines années. Il s’agit notamment du vieillissement de la population, de la diminution de la population en âge de travailler, de la régionalisation économique et des dépenses liées au climat. Si cette approche peut soutenir les analyses à long terme, il est peu probable qu’elle s’avère très utile pour anticiper le niveau d’inflation du trimestre à venir. En revanche, l’examen de l’évolution récente de notre ensemble étendu d’indicateurs en temps réel de l’inflation offre une perspective plus immédiate sur la trajectoire probable des risques inflationnistes.
C’est ce que nous explorons dans le graphique 2. Cette représentation montre des indicateurs en temps réel regroupant une quantité considérable de données locales qui ont historiquement prouvé leur capacité à fournir une mesure fiable du risque inflationniste de chaque pays. En se concentrant sur les pays du G10 et la Chine, les graphiques illustrent différentes moyennes de ces mesures pour mettre en évidence l’effet des tendances inflationnistes. Ces moyennes sont : la période depuis 2021 (qui comprend la majeure partie du choc inflationniste), les moyennes des 12 et des 3 derniers mois ainsi que les valeurs les plus récentes.
Vues ensemble, ces moyennes nous « sourient ». Les moyennes à long terme indiquent la fin apparente de la phase simple de désinflation, qui donne lieu à une hausse plus récente des pressions inflationnistes. Il existe un certain écart entre les données les plus récentes de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse, où l’inflation semble respectivement la plus faible et la plus forte. Cependant, la tendance générale l’emporte sur les différences nationales. Celle-ci montre qu’un nombre croissant de ces indicateurs sont désormais en hausse, remettant en cause le consensus macroéconomique et des marchés selon lequel l’inflation serait en baisse.
Graphique 2 : Evolution récente par pays des indicateurs en temps réel de l’inflation LOIM2
Ce que cela signifie pour All Roads
Du point de vue de la construction de portefeuilles, notre principe 40-40-20 reste au cœur de notre stratégie d’allocation en fonction des risques structurels. Selon cette approche, 20% de notre attention doit être portée sur des régimes caractérisés par des surprises positives en matière d’inflation, ce qui guide notre allocation vers des couvertures claires contre l’inflation, telles que les matières premières et les swaps d’inflation. Compte tenu de leurs tendances baissières, nous n’investissons pas massivement dans ces actifs, mais y avons maintenu notre exposition pour deux raisons : l’inflation peut être imprévisible et nous estimons attractif leur ratio risque-rentabilité.
En termes simples, Simply put, les actifs indexés sur l’inflation présentent actuellement un profil de risque-rentabilité attractif et participent à une gestion prudente des risques.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
- les données de croissance continuent de s’améliorer, avec actuellement 68% des données collectées par nos soins aux Etats-Unis montrant des signes de vigueur ;
- les pressions inflationnistes demeurent à la hausse, une moyenne de 53% des données indiquant une progression ;
- la politique monétaire reste accommodante mais 60% des données sont orientées à la hausse, ce qui indique une incertitude.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : l’indicateur en temps réel de LOIM rassemble différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).