Actuellement, la politique budgétaire prévue par le président élu Donald Trump s’inspire largement du programme de déréglementation mis en œuvre par Ronald Reagan, exception faite de sa volonté de faire financer le déficit du Trésor américain par le reste du monde. Les marchés s’attendent à ce que les tarifs douaniers de 10% qu’il s’est engagé à imposer provoquent deux effets. Premièrement, une baisse quantitative des importations, ce qui affaiblirait la croissance des pays exportateurs. Deuxièmement, l’augmentation des prix payés par les consommateurs américains pour les biens importés entraînerait un retour des pressions inflationnistes. Cette semaine dans Simply put, nous examinons si les tarifs douaniers voulus par Donald Trump seraient réellement inflationnistes.
Les effets immédiats
Le mécanisme est bien connu : les tarifs douaniers augmentant les prix à l’importation, ils tirent vers le haut soit les coûts de production, soit les prix à la consommation (ou les deux à la fois), ce qui provoque un choc inflationniste. Les défis récents causés par l’inflation dans les pays du G10 justifient amplement les craintes d’une si rapide résurgence. On peut aborder l’anticipation des résultats potentiels de tarifs douaniers uniformes de 10% de deux manières : en analysant les effets immédiats de l’augmentation des prix à l’importation sur l’inflation intérieure et en observant les impacts à long terme, tels qu’ils sont intégrés de manière dynamique dans la complexité d’un système économique.
Si nous nous concentrons sur les effets immédiats (voir graphique 1), nous constatons deux choses :
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Les données du premier mandat de Donald Trump, caractérisé par une guerre commerciale opposant les Etats-Unis et la Chine, nous permettent d’observer l’effet des tarifs douaniers sur les prix à la consommation. Elles montrent que les effets inflationnistes ont probablement été inférieurs aux attentes : alors que les prix à l’importation ont augmenté en moyenne de 1% par an entre 2005 et 2024, ils ont augmenté de 0,4% par an entre 2017 et 2020. Derrière ces moyennes, certaines catégories de biens ont connu des augmentations plus importantes, comme le textile, qui a progressé de 1,6% entre 2017 et 2020 et de 1% au cours des 19 dernières années. L’inflation s’est avérée plus modérée durant le premier mandat de Donald Trump, les prix augmentant de 1,8% par an malgré un choc inflationniste entre mi-2016 et mi-2018. Entre 2005 et 2024, le taux d’inflation moyen s’est élevé à 2,3%.
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En dehors des importations de matières premières transformées, le « bêta » de l’inflation américaine par rapport aux prix à l’importation est relativement faible, de l’ordre de 0,1. Nous pouvons en déduire qu’une augmentation de 10% des tarifs douaniers peut entraîner une hausse de 10% des prix à l’importation, elle-même pouvant provoquer une hausse d’un point de l’inflation américaine, toutes choses égales par ailleurs.
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Cet effet immédiat ne représente qu’une mesure de l’impact direct d’un relèvement des tarifs douaniers et ne tient pas compte du rôle potentiel du dollar américain dans ces transactions internationales. Nous allons examiner cet aspect ci-après.
Graphique 1 : Inflation réalisée au cours des périodes 2005-2024 et 2017-2020 (à gauche) et données « bêta » historiques des prix à la consommation par rapport aux prix à l’importation (à droite)1
L’influence modératrice du dollar
Une analyse plus complète et complexe examine le fonctionnement à long terme d’une économie américaine soumise à des tarifs douaniers plus élevés. Les implications sont multiples et ces mouvements économiques à long terme sont susceptibles de nous fournir des réponses concernant l’énigme de l’inflation importée.
Ces aspects mécaniques sont présentés dans le graphique 2. Les trois graphiques simulent un choc de 10% sur les prix à l’importation aux Etats-Unis, évalué à partir d’un modèle vectoriel autorégressif simple sur la période 1990-2024. Ce modèle d’estimation intègre l’effet des fluctuations du dollar américain : lorsque l’inflation augmente et s’accompagne d’un effet d’entraînement général, la Réserve fédérale a historiquement eu tendance à réagir en relevant ses taux. Une telle hausse conduit à une appréciation du dollar américain et à une déflation des importations aux Etats-Unis.
Selon nos estimations, cet effet annule environ 30 pb au cours des deux ou trois trimestres suivant le choc. Pour en tenir compte, il convient de soustraire 0,3% de l’augmentation immédiate de 1%, soit un effet total de 0,7%. En tant que telle, cette hausse de l’inflation ne devrait pas effrayer les investisseurs : étalée sur quatre ans, elle représente moins de 20 pb d’inflation annuelle. La question en suspens concerne bien sûr l’impact de la hausse des tarifs douaniers sur la croissance mondiale et américaine. Nous aborderons ce sujet prochainement.
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Graphique 2 : Effet simulé d’une augmentation de 10% des tarifs douaniers sur les prix à l’importation2
Ce que cela signifie pour All Roads
Nos indicateurs d’investissement continuent de nous orienter vers la neutralité, à la fois pour l’exposition aux marchés mondiaux et la composition de notre portefeuille. Ils montrent que la question de l’inflation n’est pas totalement résolue et nos signaux de tendance nous éloignent des obligations gouvernementales, même si les conditions de risque se normalisent pour les titres obligataires en général, cela toutefois à un rythme plus lent ces derniers temps. Globalement, notre exposition aux marchés actuelle reste proche de son niveau à long terme, en réponse aux risques inflationnistes persistants, quoique moins graves qu’en 2022.
En d’autres termes, Simply put, il est peu probable qu’un relèvement généralisé des tarifs douaniers américains cause à lui seul une vague d’inflation intérieure en 2025, mais il pourrait y contribuer.
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Indicateurs macro/en temps réel
Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.
Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :
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- L’inflation représente le principal risque mis en évidence par nos indicateurs et elle est actuellement concentrée aux Etats-Unis
- Malgré des données positives sur la croissance et l’inflation, la politique monétaire reste accommodante au sein des principales banques centrales.
Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)
Note de lecture : les indicateurs en temps réel de LOIM rassemblent différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).