L’évolution des taux menacera-t-elle la croissance américaine ?

Florian Ielpo, PhD - Head of Macro, Multi Asset
Florian Ielpo, PhD
Head of Macro, Multi Asset

points clés.

  • Aux Etats-Unis, les taux à court terme ont baissé, mais les taux à long terme augmentent
  • Des taux à long terme plus élevés pourraient peser sur l’investissement et la consommation aux États-Unis, malgré la baisse des taux à court terme
  • L’un des principaux risques est de voir les Etats-Unis entrer dans une phase de ralentissement alors que le reste du monde se maintient sur la voie de la reprise. Les investisseurs doivent être à l’affut des mauvaises surprises concernant la croissance.

Au-delà des gros titres qui animent les marchés financiers, les taux d’intérêt à long terme restent élevés. Les difficultés politiques des deux côtés de l’Atlantique et les turbulences dans le secteur de l’intelligence artificielle ont éclipsé cette situation sur le front des taux d’intérêt. Pourtant, elle est toujours bel et bien présente. Alors que les marchés ont commencé à intégrer le risque de hausse des taux de la Réserve fédérale (Fed) au cours des 18 prochains mois, les taux réels américains à 10 ans restent élevés. Du point de vue macroéconomique, la perspective d’une croissance solide aux Etats-Unis (soutenue par la consommation) reste un pilier sur lequel les récentes hausses de valorisation se sont appuyées. On parle de « Trump call ». Cela dit, la hausse des taux pourrait-elle remettre en cause ce scénario ? Cette semaine, nous cherchons à déterminer si les fluctuations des taux d’intérêt provoqueront un ralentissement de la croissance américaine.

Niveaux des taux courts et longs

En matière de hausses de taux, il est utile de distinguer les taux à court terme et à long terme. Les premiers sont explicitement contrôlés par la banque centrale et constituent une arme essentielle dans sa lutte pour la maîtrise de l’inflation. Si les seconds ont été instrumentalisés durant la décennie de l’assouplissement quantitatif, ils montrent également la tension entre l’offre de capitaux et les besoins de financement du gouvernement (ou du Trésor aux Etats-Unis).

Ces quatre derniers mois, les taux à court terme américains ont été abaissés d’environ 100 points de base. Cette évolution n’a toutefois pas fait reculer les taux à long terme. Les taux américains à 10 ans ont en effet augmenté de 95 pb (entre mi-septembre et fin janvier), ce qui a entraîné la formation d’une « prime de terme ». Selon le modèle d’Adrian, Crump et Moench, cette prime de terme était négative en septembre mais proche de 50 pb en janvier 2025. Un tel chiffre signifie que la prime de risque pour la détention de dette du Trésor atteint un niveau qui n’avait plus été observé depuis 2014.

Nous nous demandons donc : cette baisse des taux à court terme et cette augmentation des taux à long terme auront-elles un impact sur la consommation et l’investissement aux Etats-Unis ? C’est une question clé pour le monde de l’investissement, car la consommation américaine a été un élément essentiel du soutien à la demande mondiale ces deux dernières années.

En savoir plus : Hausse, baisse et fluctuations : que se passe-t-il avec l’inflation ?

Le Graphique 1 donne une première réponse. Il montre l’impact estimé d’une augmentation de 100 pb des taux à court et à long terme en les mettant sur un pied d’égalité. Les taux à court terme ayant récemment baissé, le lecteur devra convertir mentalement l’effet d’une baisse en inversant les barres grises sur le graphique. Il pourra ainsi comparer plus facilement l’ampleur des deux effets. Les points clés sont les suivants :

  • Une hausse de 100 pb des taux appliquée par la Fed a à peu près le même effet sur deux ans que la même hausse des taux à long terme : contraction de la croissance de la consommation réelle de 1,6% pour les premiers et de 1,8% pour les seconds ou contribution négative à la croissance économique d’environ 1,2% (la consommation représente environ 70% de la croissance américaine) ;
  • Cela dit, sur cet horizon temporel, un relèvement des taux par la Fed a nettement moins d’effet sur l’investissement que l’augmentation équivalente des taux à long terme, avec des réductions respectives de 1,7% et 7,2% de la croissance de l’investissement réel, ou des baisses de 0,34% et 1,44% de la contribution à la croissance réelle totale (l’investissement contribue à hauteur de 20% à la croissance américaine).

Comme le montre cette simulation, une baisse de 100 pb des taux à court terme peut contrebalancer une augmentation équivalente des taux à long terme pour la consommation, mais pas pour l’investissement.

GRAPHIQUE 1. Effet simulé d’une augmentation de 100 pb du taux des fonds fédéraux et du taux des bons du Trésor à 10 ans sur la consommation et l’investissement aux Etats-Unis sur deux ans1

Qu’en est-il de la consommation ?

Les calculs montrés dans le Graphique 1 couvrent un horizon temporel de deux ans, mais les effets sont-ils similaires à court terme ? Le Graphique 2 présente une simulation trimestrielle sur trois ans. D’après l’étude des quatre premiers trimestres (c’est-à-dire le scénario pour 2025, compte tenu du calendrier de l’évolution des taux que nous examinons ici), la conclusion semble différente (là encore, comme les taux à court terme ont diminué, le lecteur doit inverser les courbes grises dans le graphique) :

  • Sur un an, la hausse des taux à long terme entraîne une baisse de 1,5% de la consommation, tandis qu’une baisse des taux à court terme stimule la consommation à hauteur d’environ 0,75%, soit un effet net de -0,75% ;
  • Sur la même durée, l’investissement ne semble pas être menacé, puisque son déclin survient après la période d’un an.

GRAPHIQUE 2. Simulation trimestrielle de l’impact d’une hausse de 100 pb des taux à court et à long terme sur la consommation et l’investissement aux Etats-Unis2

Ce qu’il faut avant tout retenir, c’est que la récente hausse des taux à long terme sera probablement négative pour la consommation américaine cette année. Les prévisions pour la consommation tablent dans l’ensemble sur 2,4% de croissance, avec une croissance économique de 2,2%. Des taux à long terme plus élevés pourraient prélever environ 0,5% à la croissance réelle faute de baisse prochaine.

Selon nous, l’un des principaux risques pour 2025 est de voir les Etats-Unis entrer dans une phase de ralentissement tandis que le reste du monde se maintient sur la voie de la reprise. Cette situation pourrait faire douter les allocataires d’actifs. Pour l’instant, les indicateurs pointant vers un ralentissement aux Etats-Unis sont plutôt du côté de l’investissement. En effet, 75% des données montrent des signes de détérioration de notre indicateur en temps réel de la croissance. Une baisse de la consommation américaine pourrait aggraver cette détérioration au cours des prochains trimestres.

Ce que cela signifie pour All Roads

Notre allocation d’actifs actuelle conserve son équilibre entre actifs cycliques et défensifs. De plus, notre exposition au marché reste proche de sa moyenne à long terme. Cependant, nos signaux macroéconomiques montrent une faible conviction, avec une croissance oscillant entre reprise et ralentissement, principalement aux Etats-Unis. Les tendances des actifs cycliques sont encore positives, mais ne nous encouragent pas à abandonner nos expositions obligataires et nos stratégies de volatilité, ce qui souligne l’effet de notre modèle de risque.

En d’autres termes, Simply put, la hausse des taux à long terme pourrait peser sur la consommation américaine malgré les baisses de taux de la Fed.

Indicateurs macro/en temps réel

Nos indicateurs en temps réel propriétaires de dernière génération dédiés à la croissance mondiale, à l’évolution inattendue de l’inflation et des politiques monétaires au niveau mondial sont conçus pour suivre la progression récente des facteurs macroéconomiques qui animent les marchés.

Nos indicateurs en temps réel montrent actuellement que :

  • Les données sur la croissance continuent d’annoncer une reprise, mais l’indice de diffusion aux Etats-Unis est désormais inférieur à 50%
  • L’apaisement des pressions inflationnistes se poursuit : nos indicateurs sont élevés mais devraient diminuer
  • Nos signaux de politique monétaire pointent encore vers des banques centrales accommodantes.

Indicateurs en temps réel pour la croissance mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

Indicateurs en temps réel pour l’inflation mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

Indicateurs en temps réel pour la politique monétaire mondiale : évolution à long terme (à gauche) et récente (à droite)

Note de lecture : les indicateurs en temps réel de LOIM rassemblent différents indicateurs économiques à un moment précis, afin de déterminer la probabilité de survenance d’un risque macroéconomique donné, comme la croissance, les surprises en matière d’inflation et les surprises en matière de politique monétaire. L’indicateur en temps réel va de 0% (croissance faible, surprises en matière d’inflation modérées et politique monétaire accommodante) à 100% (croissance forte, risque élevé de surprises en matière d’inflation et politique monétaire restrictive).

 
2 sources
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[1] Source : Bloomberg et LOIM. Au 29 janvier 2025. Uniquement à titre indicatif.
[2] Source : Bloomberg et LOIM. Au 29 janvier 2025. Uniquement à titre indicatif.

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