Fixed Income

Gérer le risque de liquidité dans les portefeuilles d’obligations suisses

Gérer le risque de liquidité dans les portefeuilles d’obligations suisses
Markus Thöny - Head of Swiss Fixed Income

Markus Thöny

Head of Swiss Fixed Income
Philipp Burckhardt, CFA - Fixed Income Strategist and Senior Portfolio Manager

Philipp Burckhardt, CFA

Fixed Income Strategist and Senior Portfolio Manager

Les obligations suisses sont considérées comme une classe d’actifs liquide. Les fonds peuvent généralement être négociés quotidiennement, ce qui permet une gestion tactique des risques d’investissement dans le cadre d’une stratégie. A l’inverse, les classes d’actifs illiquides ne se prêtent pas à de telles manœuvres. Les obligations suisses présentent également des caractéristiques de rentabilité/risque de très bonne qualité et diversifiées. Cependant, elles ne doivent pas être considérées comme un substitut aux liquidités. Selon le segment obligataire concerné, il faut tabler sur des écarts moyens entre les cours acheteur et vendeur de plus de 20 points de base : la gestion des portefeuilles d’obligations en francs suisses a donc un coût certain.

 

Les points à retenir :

  • Les obligations suisses sont considérées comme une classe d’actifs liquides, mais la liquidité est dynamique et non statique
  • Les portefeuilles d’obligations en CHF sont constamment exposés à certains risques de liquidité, malgré leur négociabilité quotidienne. Gérer cela implique une analyse détaillée et solide du crédit
  • Un élément crucial est la capacité d’évaluer dans quelle mesure une augmentation de la prime de risque de crédit est liée au risque de liquidité ou de défaillance. La diversification est également essentielle

 

Un paramètre dynamique

La liquidité d’un investissement désigne essentiellement la rapidité avec laquelle il est possible d’acheter ou de vendre un volume habituel dudit investissement sur le marché sans en affecter le cours. Pour le marché obligataire suisse, la liquidité n’est pas un paramètre statique, mais plutôt dynamique. Par exemple, alors que, généralement, les obligations de bonne qualité dont l’échéance résiduelle est inférieure à cinq ans peuvent être très facilement vendues, pendant la pandémie, il était presque impossible de trouver des acheteurs pour ces titres.

Il est essentiel que les investisseurs obligataires soient en mesure d’estimer la part du risque de liquidité dans la prime de risque de crédit observable, sur la base d’une analyse de crédit solide. En cas d’augmentation significative de la prime, il devrait être possible d’évaluer si elle provient d’une baisse de la liquidité ou d’une augmentation du risque de crédit ou de défaillance.

Si l’élargissement est lié aux liquidités, il est généralement intéressant d’attendre et, si possible, de profiter activement de la reprise à venir. Si les primes de risque de crédit plus élevées sont significativement liées au risque de défaillance, il est préférable d’envisager la vente, quel que soit le prix.

 

Caractéristiques du marché

Le volume du marché obligataire en francs suisses s’élève à au moins CHF 600 milliards et est un marché dominé par des emprunteurs de haute qualité, tels que la Confédération suisse, la Pfandbriefzentrale et la Pfandbriefbank1. Les emprunteurs de grande qualité, notés AAA et AA, représentent environ trois quarts du marché total. Les autres sont moins bien notés, bien qu’ils soient principalement de qualité « Investment Grade ». Le volume quotidien moyen des transactions sur le marché obligataire en francs suisses est d’environ CHF 500 millions. La majorité (plus de 80%) est négociée par l’intermédiaire de courtiers, plutôt que sur la bourse SIX.

L’investisseur typique en obligations CHF a tendance à avoir un horizon d’investissement plus long et conserve les obligations dans son portefeuille pendant une période plus longue. Cela s’applique en particulier aux compagnies d’assurance, qui se concentrent généralement sur la gestion des actifs et des passifs (ALM), et aux fournisseurs de solutions passives, qui dominent encore le marché.

Toutefois, comme l’univers de référence est ajusté tous les mois, le taux de rotation des solutions obligataires passives est également relativement élevé. En règle générale, les compagnies d’assurance et les trésoriers sont moins axés sur un indice de référence et investissent davantage en fonction de la situation et des opportunités. Compte tenu de cette segmentation claire des investisseurs sur le marché obligataire en francs suisses, des distorsions de prix peuvent se produire à plusieurs reprises. C’est précisément pour cela que le marché obligataire en francs suisses est prédestiné à des approches d’investissement actives. Toutefois, les solutions actives requièrent, entre autres, l’aptitude et la capacité à supporter et à gérer de manière adéquate les risques de liquidité.

 

Comment mesurer la liquidité

Le moyen le plus fiable d’évaluer la liquidité d’une obligation consiste à enregistrer le volume quotidien des transactions dans une base de données. Cela montre quelles obligations sont négociées particulièrement souvent ou avec un volume plus élevé. Bien entendu, il n’y a aucune garantie que ces tendances se maintiennent, mais elles fournissent une indication précieuse sur les segments où le marché offre davantage de liquidités.

La sagesse populaire veut que les emprunteurs de bonne qualité soient les plus liquides. Cela n’est que partiellement vrai, car la liquidité est davantage déterminée par le volume d’obligations en circulation et l’échéance de l’obligation. Plus le volume de l’émission est élevé et plus son échéance est proche, meilleure est la liquidité. En principe, il est également intéressant pour un même emprunteur d’avoir plusieurs obligations avec un volume d’encours plus important sur le marché. Un volume important d’obligations de qualité BBB (par exemple, de VW1) assorties d’une échéance inférieure à cinq ans peut être plus liquide dans un environnement de marché normal qu’une obligation de la Confédération suisse dont l’échéance est supérieure à 20 ans.

De nombreux acteurs du marché sont également enclins à estimer la liquidité à l’aide de l’écart entre les cours acheteur et vendeur. Plus l’écart est faible, meilleure est la liquidité. La difficulté dans ce cas vient du fait que l’écart entre les cours acheteur et vendeur ne peut généralement être lu que sur le marché boursier. Comme nous l’avons déjà mentionné, seule une petite partie des obligations en CHF s’échangent à la bourse suisse. Les écarts indiqués s’appliquent donc souvent à des volumes de transactions relativement faibles (souvent inférieurs à CHF 100’000). Cela donne une image incomplète de la liquidité actuelle.

 

Comment gérer la liquidité

Il est donc essentiel, notamment pour les investisseurs institutionnels, de compter sur un bon accès au marché, avec un large réseau de partenaires clés pour les négociations. Si vous disposez d’une large gamme de produits, vous pouvez également bénéficier d’opportunités d’opérations croisées dans certaines situations. Il s’agit de transactions entre produits propriétaires, qui sont généralement exécutées au prix moyen après autorisation du service de conformité. Par exemple, un fonds en obligations peut transférer ses obligations à court terme au fonds monétaire, obtenant ainsi un meilleur prix qu’avec une vente sur le marché. Inversement, le fonds monétaire bénéficie d’un prix d’achat plus faible.

En tant que fournisseur de solutions de fonds, une bonne répartition des types d’investisseurs et des tailles d’investissement est importante. Il est essentiel que les investisseurs soient informés de manière proactive, ouverte et cohérente à tout moment. Avant d’acheter le produit, les investisseurs doivent connaître le processus d’investissement et les risques de taux d’intérêt et de crédit qui y sont associés, et avoir une idée claire des risques de liquidité.

Dans le cas d’une situation de crise telle que le Covid, il est crucial d’informer les investisseurs de manière proactive et de déterminer si l’augmentation des primes de risque de crédit est liée à la liquidité ou plutôt au risque de défaillance. Cela permet d’éviter des transactions inutiles et coûteuses. Un dialogue ouvert et de qualité avec le client permet généralement de rester au courant des ajustements majeurs de votre stratégie d’investissement et des cash flows correspondants. Cela vous aide ainsi à apporter les ajustements nécessaires au portefeuille à un stade précoce.

 

Diversification

Les grands véhicules d’investissement bien diversifiés permettent généralement une gestion plus facile des sorties et des entrées de liquidités, car l’influence sur le véhicule est plus faible. Une souscription de CHF 50 millions dans un fonds de CHF 200 millions, par exemple, entraîne des ajustements plus importants que la même souscription dans un fonds de CHF 1 milliard.

Pour protéger les investisseurs existants des coûts liés aux souscriptions et aux rachats, de nombreux produits prévoient une commission de souscription ou de rachat. L’idée fondamentale qui sous-tend ces frais est que l’investisseur qui effectue le transfert doit payer les frais encourus, et que les investisseurs existants ne sont pas facturés.  Les fonds en obligations qui prétendent ne pas avoir de frais de souscription et de rachat en utilisant la méthode dite du « swing pricing » protègent également leurs investisseurs existants en modifiant la VNI. Les investisseurs qui souscrivent au fonds ne peuvent généralement pas acheter à la VNI et doivent payer une VNI plus élevée, fluctuant à la hausse. D’autre part, les investisseurs qui retirent leur argent reçoivent une VNI plus faible et orientée à la baisse.

Au bout du compte, pour tout nouvel investissement, même dans des solutions actives, une bonne diversification entre les débiteurs et les obligations minimise les risques de liquidité. Si un débiteur spécifique doit être surpondéré, il peut être judicieux, par exemple, d’obtenir cette surpondération par le biais de plusieurs obligations du débiteur afin de tenir compte du risque de liquidité. En cas de sortie de fonds inattendue, le risque d’être investi dans l’obligation sans liquidité et d’être pénalisé par d’importantes décotes lors de la vente est ainsi plus faible.

En conclusion, les portefeuilles d’obligations en CHF sont constamment exposés à certains risques de liquidité, malgré leur négociabilité quotidienne. Toutefois, ceux qui sont capables de prendre et de gérer de manière adéquate les risques de liquidité dans un portefeuille d’obligations suisses pourront bénéficier des opportunités qui en résultent et d’une prime de liquidité supplémentaire à moyen et long terme.

La clé d’une gestion professionnelle des risques de liquidité réside dans une analyse détaillée et bien fondée du risque de crédit. Nos analystes crédit intègrent pleinement l'évaluation de la liquidité dans leur analyse fondamentale globale de l'émetteur, ce qui est particulièrement important pour les produits gérés activement.

 
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