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Les semi-conducteurs, le nouvel or noir
Les semi-conducteurs sont au cœur de tous les systèmes électroniques modernes, ce qui les rend essentiels en cette ère digitale. La pandémie a dopé la demande de ces composants vitaux, sans compter que des forces structurelles et cycliques devraient encore l’accroître.
Les fabricants de semiconducteurs recensent une forte demande de puces, ce qui met en évidence les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement, ainsi que des possibilités de développement accrues. Intel a récemment alloué USD 20 milliards à la construction de deux nouvelles usines de semi-conducteurs en Arizona, dans le but de revitaliser l’industrie manufacturière de l’Ouest américain. La concurrence dans ce domaine devrait encore s’intensifier, car la demande ne cesse d’augmenter, à court comme à long terme.
La pandémie de Covid-19 a bel et bien eu un effet sur la demande de semi-conducteurs. Les événements de l’année dernière ont poussé de nombreuses entreprises à prendre des mesures draconiennes afin de pouvoir poursuivre leurs activités et atteindre leurs clients finaux. Elles ont dû accélérer le rythme de la digitalisation, en adoptant plus rapidement les services basés dans le cloud. En a résulté une demande croissante de cloud computing, qui se traduit en demande de semi-conducteurs.
Les événements de l’année dernière ont poussé de nombreuses entreprises à prendre des mesures draconiennes afin de pouvoir poursuivre leurs activités et atteindre leurs clients finaux
Les particuliers ont également dû s’adapter au télétravail, ce qui a eu un impact profond sur leur quotidien et leur consommation. Cette situation a stimulé la demande d’amélioration des produits électroniques, à l’instar des ordinateurs portables ou des écrans d’ordinateur. Les confinements et les mesures de distanciation sociale ont également poussé les activités récréatives vers le digital, entraînant ainsi une hausse de la demande de produits similaires, ainsi que de consoles, de téléviseurs et d’autres appareils. Au troisième trimestre 2020, le marché des PC a enregistré une croissance de 11,2 % en glissement annuel. Les dépenses des consommateurs en matériel de jeux vidéo ont augmenté de 35 % par rapport à 2019, pour atteindre USD 5,3 milliards.
En 2021, alors que l’économie commence à se rouvrir, nous pensons que trois autres tendances vont porter la demande de semi-conducteurs à des sommets encore plus élevés.
Les véhicules électriques
La croissance rapide du marché des véhicules électriques (VE) constitue l’un des facteurs qui sous-tendent la demande mondiale de semi-conducteurs. Ces composants alimentent toute une série de fonctions importantes, des systèmes avancés d’aide à la conduite (ADAS) aux batteries, et sont présents en plus grande quantité dans les VE que dans les véhicules ordinaires dotés d’un moteur à combustion.
Les ventes de véhicules électriques se sont élevées à 2,1 millions dans le monde en 2019, surperformant ainsi une année 2018 déjà record. Les véhicules électriques ont enregistré une hausse de 40 % par rapport à l’année précédente, portant le stock disponible à 7,2 millions. Rien n’indique que cette trajectoire ascendante risque de s’interrompre. Les progrès technologiques, les investissements dans les infrastructures et les engagements politiques ont permis d’augmenter le nombre de véhicules électriques sur les routes. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
On estime que les ventes pourraient atteindre les 11,2 millions de véhicules en 2025, puis 31,1 millions en 2030. À dire vrai, nous pensons que les prévisionnistes tiers sous-estiment les taux de pénétration. Sur les principaux marchés européens, tels que l’Allemagne et le Royaume-Uni, la demande de VE a enregistré une hausse à trois chiffres, même au plus fort du confinement en mars 2020, tandis que les ventes de véhicules dotés d’un moteur à combustion interne (MCI) se sont effondrées de 50 %. Il est important de noter que les véhicules électriques contiennent aussi, en règle générale, une plus grande quantité de semi-conducteurs. Fabricant de semi-conducteurs, Infineon estime qu’il y a en moyenne près de deux fois plus de semi-conducteurs dans un VE que dans un véhicule à combustion lambda.
Plusieurs facteurs sont susceptibles de doper les ventes de véhicules électriques à l’avenir et, par extension, d’accroître la demande de semi-conducteurs. Le premier se présente sous la forme d’initiatives gouvernementales destinées à faciliter et à promouvoir l’utilisation de véhicules électriques. La baisse du coût des batteries en est le second.
L’Union européenne s’est engagée à faire circuler au moins 30 millions de véhicules à émissions nulles sur ses routes à l’horizon 2030 et a pour ce faire souligné l’importance d’investir dans des infrastructures de recharge intelligentes, telles que des bornes de recharge publiques. Dans sa communication sur la stratégie pour une mobilité durable et intelligente, la Commission européenne relève que les constructeurs investissent d’ores et déjà massivement dans les véhicules électriques à batterie et que le nombre de voitures, de camionnettes et de bus en circulation dans les villes augmente. Aux États-Unis, l’administration du président Biden a également dévoilé ses projets de construction de plus de 500 000 bornes de recharge et de remplacement de la flotte gouvernementale d’environ 650 000 véhicules par des modèles électriques.
La popularité croissante des véhicules électriques peut également être attribuée aux améliorations technologiques notables apportées ces dernières années. L’Association internationale de l’énergie (AIE) fait remarquer que la densité énergétique des batteries des véhicules électriques d’aujourd’hui est entre 20 et 100 % supérieure à ce qui était réalisable en 2012 et que le coût des batteries a diminué de plus de 85 % depuis 2010. À notre avis dès lors que le coût des batteries aura atteint un « point de basculement » de USD 100/kWh, les constructeurs automobiles pourront fabriquer des véhicules électriques à batterie (VEB) en étant tout aussi profitables qu’en fabriquant des véhicules MCI. À ce stade, les prévisions concernant les VE se révéleront trop pessimistes. Il n’aura fallu que deux décennies pour que la voiture prenne 95 % de part de marché à la calèche ; la révolution de la mobilité électrique devrait selon nous se faire tout aussi rapide, ce qui fera en retour drastiquement grimper la demande de semi-conducteurs.
Le cycle des smartphones 5G
La 5G, ou connexion sans fil de cinquième génération, offre de nombreuses avancées attractives pour les consommateurs par rapport à la 4G, notamment une amélioration de la bande passante, de la latence, de la fiabilité, de la densité de connexion et de la sécurité. Les semi-conducteurs sont essentiels au déploiement de la 5G, car ils jouent un rôle central dans la transmission des signaux, la connectivité des réseaux et la gestion des données.
La 5G permet également à une nouvelle génération de smartphones plus rapides et plus performants de voir le jour. Les consommateurs peuvent s’attendre à une augmentation des vitesses de téléchargement et de diffusion en continu (streaming). Par ailleurs, les améliorations en termes de fiabilité permettent aux smartphones de se connecter au cloud de manière plus sécurisée qu’auparavant. Ainsi, les applications ne seront plus limitées par les composantes d’un appareil mobile.
La demande de smartphones 5G devrait augmenter à partir de cette année en raison de divers facteurs, notamment la disponibilité croissante des réseaux 5G couplée à une plus grande variété de smartphones 5G d’entrée de gamme. Gartner prévoit que les ventes de smartphones 5G atteindront les 539 millions d’unités dans le monde en 2021 – soit plus du double des chiffres enregistrés en 2020 –, ce qui représente 35 % des ventes totales de smartphones. Les ventes d’appareils 5G devraient dépasser les ventes de mobiles 4G/3G d’ici 2023.
Les ventes devraient être stimulées par le fait que les consommateurs qui souhaitent vivre l’expérience de la 5G dans sa globalité devront très probablement remiser leur téléphone 3G ou 4G et acheter un nouvel appareil. C’est à ce niveau que nous entrevoyons ce rebond beaucoup plus rapide dans les industries cycliques qui stimulent la demande. Il s’avère que les consommateurs ont réduit leurs dépenses en smartphones en 2020, ce qui a entraîné une forte demande refoulée. Nous pensons que les consommateurs commenceront à reprendre leurs habitudes d’achat lorsque la vie commencera à revenir à la normale, après la pandémie. Combiné à l’arrivée de nouveaux téléphones d’entrée de gamme et à la reprise du déploiement de la 5G, cela nous amène à penser que nous assisterons à une hausse significative de la demande dès cette année, une hausse qui aurait une incidence notable sur les fabricants de semi-conducteurs. Le premier fabricant de semi-conducteurs au monde, Taiwan Semi-conductor Manufacturing Co. (TSMC), a tiré près de la moitié de son chiffre d’affaires net des smartphones en 2020 et a récemment relevé ses prévisions de chiffre d’affaires pour l’ensemble de l’exercice, afin de refléter la forte demande de nouveaux smartphones 5G à l’instar des nouveaux iPhone d’Apple.
L’Internet des objets (IoT)
L’impact de la 5G ne se limite pas aux smartphones. La 5G est la pierre angulaire d’une révolution totale de la connectivité, qui devrait faire progresser considérablement la digitalisation de notre société et de notre économie.
Le rôle de la 5G dans un contexte plus large sera d’aider à combler les lacunes dans la disponibilité du haut débit et de permettre d’accéder à des vitesses de connexion sans précédent. Cela a d’énormes implications pour le développement de l’Internet des objets (IoT), qui est sur le point de perturber considérablement l’industrie des semi-conducteurs.
La 5G est la pierre angulaire d’une révolution totale de la connectivité, qui devrait faire progresser considérablement la digitalisation de notre société et de notre économie.
L’IoT est l’acronyme utilisé pour décrire un réseau de périphériques qui collectent et partagent des données. Les consommateurs connaissent sans doute la première vague de périphériques IoT et les nouvelles fonctionnalités qu’ils offraient, notamment les sonnettes intelligentes qui diffusent des séquences vidéo des visiteurs et les dispositifs portables qui collectent et envoient des données et reçoivent des informations utilisées pour surveiller la santé.
L’Internet des objets devrait connaître un rapide essor dans les années à venir, grâce aux progrès réalisés en matière de connectivité et de technologie, et devrait transformer de nombreux secteurs, notamment l’industrie, les soins de santé et les transports. On estime qu’il y aura jusqu’à 64 milliards de périphériques IoT d’ici à 2025, qui représenteront 55 % de toutes les données générées.
Cette expansion s’explique également par une base de clientèle nettement plus étendue pour les fabricants de semi-conducteurs. Outre le matériel informatique et les mobiles, l’univers connecté dépendant de la technologie des semi-conducteurs s’élargit aux appareils ménagers, aux équipements de production et aux outils agricoles, ainsi qu’à un nombre sans cesse croissant d’appareils grand public et commerciaux.
L’Internet des objets est en mesure de devenir une source importante de revenus pour les entreprises de semi-conducteurs, à mesure que cette technologie se développe et arrive à maturité. La prochaine génération de périphériques IoT dépendra des nouveaux semi-conducteurs pour assurer une meilleure efficacité énergétique et de meilleures performances. L’accroissement de la disponibilité de la 5G va offrir aux entreprises davantage de possibilités d’intégrer leurs produits à l’IoT grâce au recours aux semi-conducteurs.
Conclusion
L’avenir d’une myriade de secteurs, notamment la mobilité, la communication et l’industrie, repose sur la disponibilité de semi-conducteurs à l’échelle mondiale.
La chaîne d’approvisionnement est à l’heure actuelle fortement consolidée et repose sur une poignée d’acteurs à certaines étapes du processus de fabrication. Nous observons aujourd’hui une combinaison de forces structurelles en accélération (VE, IoT, cloud) et un rebond plus rapide que prévu des tendances cycliques (smartphones, véhicules), ce qui provoque certains goulots d’étranglement en raison d’une forte consolidation.
Cette pénurie a déjà eu pour effet d’entraver gravement la production automobile et a incité la Maison-Blanche à commencer à élaborer des solutions potentielles à long terme. Le président Biden a récemment signé un décret qui a amorcé un examen complet des chaînes d’approvisionnement américaines, lequel a conclu à un sous-investissement par le pays dans le segment de la production de ces composants vitaux. La part que représentent les États-Unis dans la fabrication mondiale de semi-conducteurs est en baisse constante depuis des décennies, passant de 37 % en 1990 à 12 % aujourd’hui.
L’avenir d’une myriade de secteurs, notamment la mobilité, la communication et l’industrie, repose sur la disponibilité de semiconducteurs à l’échelle mondiale
Ce constat met en évidence une deuxième caractéristique de la chaîne d’approvisionnement des semiconducteurs, à savoir qu’elle est l’une des plus mondialisées. Nous constatons aujourd’hui que des pays comme les États-Unis et la Chine sont de plus en plus soucieux d’assurer leurs propres capacités de production afin de répondre à la demande et de réduire la dépendance extérieure de cette industrie hautement stratégique.
Du point de vue de l’investissement, les équipementiers devraient être les bénéficiaires nets de ces tendances. En plus de répondre à la demande croissante, ces derniers tirent également profit des nouvelles voies de croissance qu’ouvrent les forces structurelles. TSMC constate que la nouvelle classe de périphériques IoT que la 5G et l’IA permettront, par exemple, nécessite une nouvelle technologie de semiconducteurs pour répondre au besoin de performances plus rapides, d’une meilleure efficacité énergétique et d’une amélioration des pertes de puissance.
Le marché du matériel de fabrication de semiconducteurs devrait atteindre USD 103,5 milliards à l’horizon 2025, contre USD 66,1 milliards en 2020, en raison du rôle essentiel qu’ils jouent dans la digitalisation de la société actuellement à l’œuvre.
Ce constat met en évidence une deuxième caractéristique de la chaîne d’approvisionnement des semiconducteurs, à savoir qu’elle est l’une des plus mondialisées. Nous constatons aujourd’hui que des pays comme les États-Unis et la Chine sont de plus en plus soucieux d’assurer leurs propres capacités de production afin de répondre à la demande et de réduire la dépendance extérieure de cette industrie hautement stratégique.
Du point de vue de l’investissement, les équipementiers devraient être les bénéficiaires nets de ces tendances. En plus de répondre à la demande croissante, ces derniers tirent également profit des nouvelles voies de croissance qu’ouvrent les forces structurelles. TSMC constate que la nouvelle classe de périphériques IoT que la 5G et l’IA permettront, par exemple, nécessite une nouvelle technologie de semiconducteurs pour répondre au besoin de performances plus rapides, d’une meilleure efficacité énergétique et d’une amélioration des pertes de puissance.
Le marché du matériel de fabrication de semiconducteurs devrait atteindre USD 103,5 milliards à l’horizon 2025, contre USD 66,1 milliards en 2020, en raison du rôle essentiel qu’ils jouent dans la digitalisation de la société actuellement à l’œuvre.