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Mesurer l’alignement de la température pour investir dans la neutralité carbone
Le secteur privé s’intéresse de plus en plus aux risques et opportunités relevant du changement climatique, qu’ils soient d’ordre physique ou liés à la transition. La hausse implicite de la température est un moyen efficace de quantifier cet enjeu.
Le principal objectif de l’Accord de Paris est de « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels ». Malheureusement, nous nous dirigeons actuellement vers une hausse de 3,2 °C d’ici 2100 et, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP), la température continuera d’augmenter par la suite. En 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a quant à lui averti que, si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il ne nous reste plus que 420 Gt de CO2 de budget carbone (avec une probabilité de réussite d’environ 65%). Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), entre 2018 et 2020, nous avons collectivement dépensé près d’un quart de ce budget.
Quelles entreprises sont prêtes pour la transition climatique ?
Dans cette optique, les institutions financières, privées mais aussi publiques, repensent rapidement la façon dont elles évaluent les risques et les rendements et cherchent à développer de nouvelles façons innovantes de tarifer ce que nous appelons « l’impact sur la valeur climatique » (IVC). Concrètement, l’IVC permet de quantifier la probabilité pour une entreprise d’être pénalisée ou favorisée par les effets physiques, politiques et économiques de la transition climatique. Cette mesure englobe les risques liés à la transition, les risques physiques et les risques de responsabilité. Les premiers sont sans doute les plus importants aujourd’hui pour les investisseurs, car les mesures prises pour atténuer le changement climatique sont continuellement renforcées. Il s’agit notamment des risques suivants :
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L’impact de la réglementation, qui peut faire perdre les licences d’exploitation de certaines entreprises.
- La hausse des dépenses d’investissement et des coûts opérationnels liés à la réduction des émissions par le biais de technologies de décarbonisation.
- La hausse des dépenses liées au prix du carbone et aux taxes afférentes.
- La diminution de la demande à mesure que les consommateurs et les entreprises se détournent de certains produits et services tels que les combustibles fossiles, les voyages en avion, les moteurs à combustion et la viande.
Nous distinguons trois catégories principales d’entreprises en fonction de leur profil IVC :
- Entreprises protégées contre les risques liés au carbone : cette catégorie inclut les entreprises de divers secteurs dans lesquels la transition climatique devrait avoir un impact financier limité (c’est-à-dire la plupart des secteurs à faibles émissions de carbone, où les coûts de la transition sont généralement limités, à quelques exceptions près). Ces entreprises sont généralement peu exposées à l’IVC. Les investisseurs peuvent donc avoir une plus grande tolérance pour les entreprises qui n’ont pas encore beaucoup réduit leurs émissions car elles devraient pouvoir effectuer la transition assez facilement (sans que cela soit trop coûteux et relativement rapidement).
- Entreprises dans des secteurs présentant des opportunités : les entreprises de ces secteurs bénéficient souvent d’une exposition positive à la transition climatique. Elles tendent à vendre des produits et services susceptibles de profiter d’une demande accrue à mesure que la transition progressera (par exemple les fournisseurs d’énergies renouvelables et les fabricants de véhicules électriques). Ces entreprises présentent généralement une exposition positive – et parfois significative – à l’IVC. La réduction de leurs propres émissions de carbone est susceptible de leur conférer des avantages concurrentiels par rapport à d’autres fournisseurs et elles restent globalement bien positionnées sur le marché dans son ensemble.
- Entreprises dans des secteurs dans lesquels l’impact de la transition est élevé : cette catégorie inclut les secteurs à fortes émissions de carbone qui ont un rôle essentiel à jouer dans la transition climatique (énergie, acier, verre, ciment, etc.), au sein desquels les entreprises à la traîne en termes de lutte contre le changement climatique font face à des risques importants tandis que les leaders de la transition pourraient gagner de nombreuses parts de marché. Ces entreprises sont fortement exposées à l’IVC et cette exposition peut s’avérer positive ou négative en fonction de leurs stratégies de transition. Cette catégorie est sans doute la plus importante pour la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, et celle que les investisseurs doivent le mieux comprendre.
Evaluer la performance climatique des investissements
Les mesures liées à la hausse implicite de la température, composante cruciale de l’IVC, sont de plus en plus scrutées par la communauté des investisseurs. De fait, ces mesures sont essentielles pour nous aider à faire la différence entre les leaders de la lutte contre le changement climatique et ceux qui sont en retard en la matière, tous secteurs et industries confondus. Elles permettent d’analyser et d’évaluer les émissions escomptées des entreprises, en fonction de divers scénarios, une démarche elle aussi nécessaire pour déterminer leur exposition aux coûts liés à la réduction des émissions, au prix du carbone et à d’autres dynamiques financières. Bien que les mesures liées à la hausse implicite de la température soient pertinentes dans les trois catégories d’entreprises susmentionnées, elles sont tout particulièrement utiles pour faire la différence, dans le segment à fortes émissions, entre les entreprises leaders de la transition et celles qui sont en retard en la matière, afin de bien gérer l’IVC des portefeuilles de placement.
Les mesures liées à la hausse implicite de la température permettent aux investisseurs d’évaluer la performance climatique de leurs placements, soit au niveau des titres individuels soit au niveau du portefeuille, par rapport à un indice de référence. Dire qu’une entreprise a une température de 1,5 °C revient à dire que le réchauffement climatique pourrait être limité à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels si l’ensemble de l’économie s’engageait en faveur d’un niveau de décarbonisation équivalent. Cela confère un aspect prévisionnel à l’empreinte carbone, qui jusqu’à présent ne mesurait que les émissions passées.
Dans cet article, nous commençons par examiner les mesures les plus avancées en matière d’alignement de la température. Deuxièmement, nous définissons un cadre théorique visant à guider la conception des mesures liées à la hausse implicite de la température. Troisièmement, nous décrivons en détail l’approche axée sur un budget carbone équitable résolvant les problèmes identifiés précédemment, inhérents à l’utilisation des émissions absolues et non pas de l’intensité des émissions. Quatrièmement, nous présentons une étude de cas permettant d’examiner, compte tenu des preuves empiriques à notre disposition, les forces et faiblesses des différentes méthodes. Pour finir, nous abordons les limites de cette approche et présentons des idées pouvant faire l’objet de futures recherches.
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