Depuis deux ans, les investisseurs étaient confrontés à une situation inchangée : une croissance vigoureuse aux Etats-Unis face à une activité économique atone en Europe et en Chine, des obligations aux performances faibles et un envol des valorisations de certaines méga- et grandes capitalisations, et, enfin, une dynamique porteuse pour le dollar américain, l’or et le bitcoin.
Nous pensons que ce paradigme est en train de changer en 2025. « D’après nos recherches économiques et nos comparaisons de données historiques sur une période de plus de 30 ans, la rentabilité attendue devrait être mieux répartie entre les différentes classes d’actifs dans les mois à venir. » C’est ce qu’a déclaré Yannik Zufferey, CIO, Core Business, lors de l’événement 2025 consacré aux perspectives des CIO des stratégies obligataires que Lombard Odier Investment Managers a récemment organisé à Genève.
Les obligations prennent les devants...
Dans un contexte d’amélioration de l’environnement macroéconomique et de fortes disparités entre les valorisations des différentes classes d’actifs, M. Zufferey pense qu’une légère reprise est en cours et devrait bénéficier aux gérants actifs. L’amélioration de la conjoncture est due, en grande partie, aux cycles d’assouplissement des banques centrales qui ont débuté en 2024 et qui devraient soutenir la croissance.
« En période de faible reprise, les actifs obligataires affichent un potentiel de rendement très élevé et une volatilité modérée. »
Selon M. Zufferey, dans ce scénario, les actifs obligataires – des segments investment grade (IG) et du haut rendement (HY) à la dette émergente – affichent un potentiel de rendement considérable et une volatilité modérée, des caractéristiques qui les rendent très attractifs (voir figure 1). « Nous pensons que ces actifs devraient surperformer les actions des marchés développés et les matières premières, notamment parce que les indicateurs de portage et de valorisation leur sont favorables » a-t-il ajouté.
Dans l’univers obligataire, les titres notés BBB-BB, c’est-à-dire du segment crossover, sont selon lui particulièrement attractifs en termes de rendement ajusté au risque. Il en va de même pour les obligations convertibles, qui pourraient bénéficier de valorisations intéressantes et d’un portage élevé, leur comportement étant historiquement favorable en période de reprise légère. Concernant les coûts de couverture, les actifs obligataires suisses seront également bien positionnés sur le plan de la rentabilité attendue.
Même en cas d’atterrissage brutal, M. Zufferey est d’avis que les obligations pourront surperformer d’autres classes d’actifs, grâce aux niveaux de portage possibles et à la résilience inhérente aux titres IG en période de repli. Ces arguments expliquent son opinion favorable à l’égard de cette classe d’actifs cette année.
GRAPHIQUE 1. Rentabilité attendue en 2025, par scénario économique1,2
Lire aussi : Dans un contexte de disparités, trois changements devraient favoriser les gérants actifs en 2025 (article en anglais)
… mais il faudra se montrer sélectif
Pour Sandro Croce, CIO, Fixed Income, les changements macroéconomiques qui se préparent s’accompagneront d’un changement de la dynamique du risque dans l’univers obligataire.
Selon lui, « la politique monétaire occupe le devant de la scène depuis deux ans, mais en 2025, compte tenu d’une situation macroéconomique plus complexe, d’autres facteurs tels que les droits de douane ou la politique budgétaire pourraient bien prendre un rôle bien plus important. La gestion dynamique et opportuniste des risques sera donc fondamentale. »
Pour M. Croce, la capacité à assumer les coûts du service de la dette dans la durée est encore un risque tenace. La sensibilité au refinancement de la dette publique et aux déficits budgétaires reste une menace, en particulier aux Etats-Unis, où elle pourrait prendre une place centrale dans le débat politique au cours des mois qui viennent. Les trajectoires économiques divergentes entre les Etats-Unis et l’Europe sont également dans les esprits, alors que les Etats-Unis distancent le vieux continent. Néanmoins, selon M. Croce, les stratégies de portage permettent de compenser efficacement ces risques, et l’incertitude à court terme justifie un positionnement équilibré, qui combine des titres à duration courte et du crédit de haute qualité. Le crédit IG est fondamental pour une telle exposition, en particulier dans un contexte de reprise légère. Sa plus forte conviction se porte donc actuellement sur ce segment (voir la figure 2).
« Selon nous, les obligations d’entreprise IG en particulier sont porteuses de valeur. Elles ont l’intérêt de présenter une bonne combinaison du risque de duration et du risque de crédit, et devraient afficher de bonnes performances dans une économie forte », conclut-il.
GRAPHIQUE 2. Evolution des convictions LOIM par secteur obligataire, Q4 2024-Q1 20253
Lire aussi : Les obligations en 2025 : une question d’équilibre entre crédit, portage et risque de duration (article en anglais)
L’attrait des obligations d’entreprises suisses
En tant que Maison suisse, il est naturel que nous nous concentrions sur les perspectives des actifs nationaux. Sur le plan macroéconomique, la Suisse se distingue à plusieurs égards. En particulier, sur les deux dernières décennies, sa croissance réelle moyenne a toujours dépassé celle des principaux pays européens. L’année 2025 ne devrait pas faire exception.
Selon Markus Thony, Head of Swiss Fixed Income, « dans de telles conditions, les obligations d’entreprise suisses, qui présentent des niveaux de qualité et de notation élevés, sortent du lot. » Il cite quatre bonnes raisons d’opter pour les obligations d’entreprise :
- Les fondamentaux de crédit des émetteurs sont encore bons. L’environnement macroéconomique reste favorable (voir figure 3). Le climat actuel impose cependant d’être particulièrement sélectif ;
- Les obligations d’entreprise permettent d’améliorer la diversification. Combiné au risque de duration, le risque de crédit peut contribuer à réduire les risques de volatilité et de drawdown des portefeuilles ;
- Le savoir-faire en matière de crédit élargit les opportunités. La capacité à investir à différents niveaux sur la structure du capital d’un émetteur, depuis la dette de premier rang jusqu’à la dette inférieure à la catégorie IG, ouvre des opportunités vers une plus large gamme de profils de rentabilité/risque ;
- L’exposition systématique au risque de crédit du marché obligataire suisse est souvent avantageux. Le risque de défaut est faible grâce à la bonne qualité moyenne des émetteurs. À long terme, des primes pour le risque de crédit viennent souvent récompenser les investisseurs.
Face au repli des rendements vers des niveaux particulièrement bas, les investisseurs seront sans aucun doute séduits par la génération d’alpha. Les gérants compétents, dotés d’une expertise et d’une expérience éprouvées, seront seuls capables de tirer parti des spécificités des marchés suisses. Pour les investisseurs, il sera important de déterminer précisément le coût de la couverture cette année, notamment pour ne pas donner la fausse impression que les taux de rendement sont plus élevés en dehors de la Suisse.
GRAPHIQUE 3. Expansion économique et inflation modérée : une combinaison favorable4,5
Lire aussi : Obligations suisses : l’importance de gérer les primes de risque
Des points positifs en Asie
Les marchés ont tremblé début février lorsque les Etats-Unis ont annoncé des droits de douane de 10% sur les importations chinoises. Néanmoins, comme nous le rappelle Dhiraj Bajaj, CIO of Asia Fixed Income and Equities, l’économie chinoise s’est diversifiée, et ses exportations vers les Etats-Unis ne représentent aujourd’hui que 2,5% de son produit intérieur brut6. Depuis 2019, la Chine s’emploie à renforcer ses liens commerciaux avec les marchés émergents : ses exportations vers les pays du bloc des « BRICS » et de l’ASEAN ont augmenté de 56% et atteignent maintenant pratiquement le niveau total de ses exportations à destination des Etats-Unis et de l’Union européenne.
Selon M. Bajaj, la transition de l’économie chinoise d’un modèle centré sur l’immobilier à un modèle tourné vers les services va se poursuivre. De façon plus générale, la région va également bénéficier de solides moteurs macroéconomiques en Inde et de conditions stables en Asie du Nord (voir figure 4).
« Depuis 2019, les exportations de la Chine vers les marchés du bloc des BRICS et de l’ASEAN ont augmenté de 56% et atteignent maintenant pratiquement le niveau total des exportations à destination des Etats-Unis et de l’Union européenne. »
M. Bajaj a précisé que 2024 avait été une bonne année pour le crédit asiatique, avec une progression de 5,7% pour le JP Morgan Asia Credit Index (JACI), de 4,2% pour le JACI IG et de 15,2% pour le JACI HY7. Ces performances sont principalement attribuables à la compression de 90 pb des spreads de crédit, contrebalancée par un creusement de 60 pb par rapport au taux des bons du Trésor américain à 7 ans7.
Dans le segment IG, M. Bajaj est d’avis que les valorisations des titres asiatiques restent attractives par rapport aux marchés développés, tout particulièrement dans le segment HY. Les rendements pourraient, cette année, se situer dans des fourchettes de 5-8% et 8-11%, respectivement. Il semble que le segment HY des marchés émergents asiatiques n’ait connu pratiquement aucun cycle de défaillance et que les écarts de rendement continuent de se resserrer.
GRAPHIQUE 4. Principaux facteurs macroéconomiques en 2025, Inde et Asie du Nord8
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Une solution porteuse, dans les marchés haussiers comme baissiers
En cas de reprise de la croissance ou, au contraire, d’atterrissage brutal de l’économie, nous pensons que les investisseurs pourraient tirer parti du marché obligataire en 2025. Dans notre scénario de base de légère reprise, la plupart des segments de cette classe d’actifs présentent un potentiel de rendement considérable et une volatilité modérée au vu des stratégies de portage disponibles et du contexte de croissance favorable. Selon nous, les obligations d’entreprise IG sont particulièrement intéressantes, compte tenu de la combinaison attractive qu’elles proposent entre les risques de duration et de crédit. En cas d’atterrissage brutal de l’économie, le portage disponible et le caractère par essence défensif de cette classe d’actifs devraient isoler les portefeuilles. Dans un contexte de mise en œuvre de nouvelles politiques par l’administration américaine, cette solution devrait fournir une forme d’assurance supplémentaire.